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Avec tambours et trompette, le Jazzlab Orchestra a emprunté un chemin relativement discret au fil du temps. Ce chemin l’a néanmoin mené partout sur la planète jazz. Et ça continue sur la piste de l’album LOGUSLABUSMUZIKUS (sorti en 2021 sous étiquette Effendi), ce jeudi au Palais Montcalm de Québec et ce samedi au Théâtre Outremont.
« Toujours en recherche avec la nouvelle l’expérience LOGUSLABUSMUZIKUS, le tout nouveau programme musical, auquel le groupe s’est attelé, rejoint complètement l’esprit artistique de plusieurs idées évocatrices du jazz moderne d’aujourd’hui », annonce le Jazzlab Orchestra.
Contrebassiste, compositeur et initiateur de cet ensemble innovant, Alain Bédard, un des plus dynamiques entrepreneurs du jazz québécois depuis les années 90. PAN M 360 lui a posé les questions suivantes, auxquelles il a répondu en toute courtoisie.
PAN M 360 : Depuis la sortie de l’album en 2021, comment cette musique a-t-elle évolué sur scène ? L’avez-vous jouée à maintes reprises ?
ALAIN BÉDARD : J’ai écrit la musique du projet Loguslabusmuzikus pendant la pandémie de 2020-21. Puis j’ai organisé des répétitions avec presque tous les membres du projet précédent sauf Michel Lambert à la batterie. Nous avons enregistré l’album sans donner de concert devant public. On aurait préféré le contraire, mais vu les circonstances, on n’avait pas le choix. En novembre 2021 après plein de concerts annulés, on a réussi quand même à donner 4 concerts en « semi-présentiel” (il y avait encore la Covid). On a alors tourné une excellente vidéo à la salle Alphonse-Desjardins à Repentigny, qui comprend pratiquement l’intégralité de l’album. En 2022, après des tentatives pour jouer de nouveau, nous avons été contraints encore d’annuler des concerts, jusqu’à récemment à l’automne 2022. En octobre/ novembre 2022, nous avons eu la chance de donner des dizaines de concerts sur 2 tournées; une en Europe et une autre dans l’ouest canadien. Ainsi après tous ces concerts, même si nous avons eu quelques substituts en cours de route, la musique a vraiment évolué. Vous savez, il faut souvent jouer pour acquérir une certaine maîtrise du propos musical et avancer…
PAN M 360 : Le personnel est-il le même que celui de l’enregistrement ?
ALAIN BÉDARD : Depuis l’enregistrement, il y a eu une rotation de musiciens. On a vu arriver Annie Dominique à la clarinette basse et aux saxophones. Elle joue régulièrement, même si elle a eu une petite fille dernièrement, Charlie-Rose. Puis Claire Devlin a remplacé Benjamin Deschamps au ténor, trop occupé avec Jean-Michel Blais. Lors des 2 dernières tournées, le personnel a encore changé. Sur la tournée européenne, il y a eu Alexandre Dion à la clarinette basse et sur la tournée canadienne, Erik Hove au sax alto et Artem Kovalchuk à la trompette. Ils ont tous été formidables. Ce n’est pas facile de garder tous ces leaders de façon régulière dans une formation de 8 musiciens comme le Jazzlab. Ils ou elles ont tous.tes des projets personnels, des engagements, de l’enseignement. Mais on se débrouille, on s’ajuste…
PAN M 360 : Jouez-vous du matériel des albums antérieurs à LOGUSLABUSMUZIKUS? Du matériel inédit, jamais enregistré ?
ALAIN BÉDARD : On joue spécifiquement le matériel de l’album. Il y a des sections reconfigurées, renouvelées. Ce qui fait que le répertoire a mûri, je dirais. De plus, il y a quelques nouveautés de certains membres-compositeurs dans le groupe qui se sont ajoutées.
PAN M 360 : Le Jazzlab Orchestra a changé quelques fois de configuration. Comment situer l’actuel line-up par rapport aux précédents ?
ALAIN BÉDARD : En fait, l’instrumentation du Jazzlab Orchestra a pratiquement toujours été la même depuis sa création. Le groupe a la chance d’évoluer avec des supers musiciens, des multi-instruments qui jouent plusieurs instruments – flûte, clarinette, clarinette basse et tous les saxophones, bugle. Ce processus change le timbre, les couleurs, les textures, les registres de chaque pièce. On ne s’ennuie jamais.
PAN M 360 : Quels sont les musiciens impliqués dans ce concert et la principale qualité de chacun dans ce contexte ?
ALAIN BÉDARD : Sur les prochains concerts, on aura Mario Allard, Annie Dominique, Claire Devlin, auxquels se joignent Jacques Kuba Séguin (trompette), Thomas Morelli-Bernard (trombone), Félix Stüssi (piano), Michel Lambert (batterie). Ce sont tous d’excellents musiciens, maîtres de leurs instruments respectifs. Ils sont innovants et ont à cœur de développer non seulement leur potentiel respectif mais aussi et surtout, ils ont à cœur de travailler en collectif pour permettre à l’ensemble de jouer au maximum de ses capacités. Sur la route et sur scène, il y a un esprit de camaraderie qui se démarque et qui nous pousse tous à aller plus loin. C’est très important – Oh ! en passant, je fais la contrebasse.
PAN M 360 : On s’en doutait ! Et comment en exploites-tu le talent des interprètes en tant que compositeur ? Qui sont les autres compositeurs impliqués et comment le font-ils à leur tour ?
ALAIN BÉDARD : J’ai composé des pièces qui, à première vue, semblaient être d’un bon niveau de difficulté pour tous curieusement. Je dirais plutôt… non conventionnelles. Il a fallu plusieurs répétitions sur plusieurs mois, pour que tout le monde puisse bien intégrer le contenu, le style d’écriture. Aucune des pièces du répertoire de l’album est réellement en 4/4 ou 3/4. J’avais envisagé plusieurs scénarios, plusieurs situations, car pour moi ce projet de composition était vraiment un défi. Seulement, je savais que je mettais cette musique dans les mains de musiciens talentueux et je leur faisais confiance. Je voulais peut-être inconsciemment pousser chacun au maximum, alors je leur ai écrit de la musique qui paraissait laborieuse, mais qui en bout de ligne est limpide et linéaire, dans laquelle j’ai utilisé plein de contrechants et aussi pas mal de contraintes rythmiques et harmoniques. En fait, il n’y avait rien pour rester inactif ou distrait. On a tous travaillé pas mal fort ensemble, pour atteindre un niveau de cohésion et le résultat qu’on connait.
Parmi les autres compositeurs, il y a Thomas Morelli-Bernard qui vient d’obtenir une maîtrise en composition et en arrangement et Félix Stüssi, excellent compositeur – je rappelle qu’il a composé la musique de l’avant dernier projet du Jazzlab « Quintessence ».
PAN M 360 : Peut-on faire un time-line des grandes étapes du Jazzlab depuis ses débuts ?
ALAIN BÉDARD : Le Jazzlab est né officieusement en mars 2003, mais officiellement en 2004 lorsqu’on a enregistré l’album Réunion et tourné dans cette foulée à travers le Canada et l’Europe en 2005. Par la suite, on a enregistré à intervalles de 2 ans environ les albums Désir, Chance Meeting, Octo Portaits, World Colors de John Roney, Quintessence de Félix Stüssi et dernièrement Loguslabusmuzikus de moi-même. On a aussi joué la musique de Portaits d’ici d’Alexandre Côté qui est sorti sous son nom. Des dizaines de musiciens sont passés par le Jazzlab tel : Steve Amirault, Martin Auguste, Rémi Bolduc, Michel Côté, Alexandre Côté, Jean-Nicolas Trottier, Samuel Blais, John Roney, André Leroux, Frank Lozano, Jean-Christophe Beney, Louis-Vincent Hamel, Carole Therrien, Aron Doyle, Joe Sullivan, Richard Gagnon et plein d’autres que j’oublie. On a donné des concerts spéciaux avec les artistes internationaux Don Thompson, Reg Schwager, Donny McCaslin, Ted Nash, Rufus Reid, Zhao Ke, Stephane Belmondo, Michael Felberbaum, François Théberge, Seamus Blake et désolé j’en oublie.
Le band a joué au Jazz at the Lincoln Center (NY), au New Morning, au Café de la Danse (Paris), à la Casa del Jazz (Rome), au Grande Teatro (Sicile), à la Jazz Station (Bruxelles), au Budapest Music Center (Budapest), au Palm en Pologne, à Juan les Pins, au musée de Materra, au Teatro Sociale à Valenza et dans plein de festivals importants d’Europe et du Canada, etc.
Tous les projets d’enregistrements du Jazzlab ont été mis en nomination à l’ADISQ. Ils ont aussi été nommés maintes fois aux prix OPUS et aux Junos.
PAN M 360 : Le Jazzlab est l’un de tes projets, probablement le plus audacieux de tous. En 2022, que cherches-tu désormais à atteindre ?
ALAIN BÉDARD : En fait j’aimerais bien que le groupe joue sur une base régulière autant ici qu’à l’international. Dernièrement il y a eu des reports de dates. On a repris des concerts qui avaient été annulés en 2020-2021. On a joué en Italie, en France, en Suisse et dans l’ouest canadien. On devait jouer aussi en Asie 2020-21, mais POUM! … on sait pourquoi, tout est tombé à l’eau. J’aimerais bien qu’on puisse aller développer l’Asie; Japon, Corée du Sud ou Chine. Je pense que les gens aimeraient ça là-bas. D’ailleurs on a que de très bonnes critiques du dernier album là. J’aimerais bien trouver un lieu de résidence ici à Montréal – un lieu où on pourrait faire de la recherche musicale, travailler du nouveau stock, expérimenter, enregistrer, donner des concerts sur une base régulière, avec de la nouvelle musique. On a eu la chance de travailler au Studio Piccolo, pendant la pandémie, c’était vraiment extraordinaire d’avoir un endroit de travail adapté. Ça fait toute la différence.
PAN M 360 : Quel est le marché actuel du Jazzlab ? Le QC essentiellement ? Le Canada ? L’international ? Quel est l’impact grosso modo ?
ALAIN BÉDARD : Le Jazzlab est un groupe de calibre international. À chaque endroit où on a joué au Canada, en Europe ou aux États-Unis, depuis la création du groupe, nous n’avons eu que des éloges autant sur le calibre des musiciens, que sur la musique. Nous jouons un jazz moderne ou l’improvisation a autant sa part que l’écriture. Les différents lieux qui nous ont reçus et les différents publics qui nous ont entendus ont tous été emballés par nos performances. Les gens trouvent que nous avons nos propres idées musicales, que collectivement nous sommes solides et puissants, qu’il y a une excellente alchimie au sein du groupe. Il y a en a qui ont même comparé notre musique à celle de Carla Bley, ou Gunther Schuller, ou William Russo, j’arrête là… Quand même… Le grand compositeur et musicien Rufus Reid a dit du dernier projet « Loguslabusmuzikus est un projet vraiment très fort ». J’en suis flatté.
PAN M 360 : Quels sont les projets à venir de l’ensemble ? Quels sont les projets d’Alain Bédard ?
ALAIN BÉDARD : En début d’année 2023 soit du 16 au 27 janvier 23, le Jazzlab sera en Guadeloupe pour démarrer un projet d’échanges culturels avec le Centre Culturel Sonis et des musiciens guadeloupéens. Nous donnerons 6 représentations + 2 ou 3 masterclass sur cette période. Puis nous espérons tourner dans les festivals canadiens à l’été 23, aussi il y a toujours la possibilité de dates de reports sur le Japon et la Corée du Sud qui pourrait survenir au cours de la saison 23-24. Je travaille aussi à concrétiser un projet de résidence pour le Jazzlab au Rocher de Palmer à Bordeaux pour l’automne 23, tout en essayant d’organiser parallèlement le festival ambulant du nom de « Québec Jazz Connexion » dans cette période incluant le groupe. Il y a aussi la possibilité de se rendre au Festival de Jazz de Panama en janvier 24. Surtout, il ne faudrait pas que l’on oublie de souligner les 20 ans du band en mars 2023 par un évènement spécial.
Personnellement, je vais participer en 2023 aux prochaines conventions sur la musique ; le Bis de Nantes, le Jazzahead, l’European Jazz Network, le Jammin, le Lux jazz Meeting pour promouvoir les artistes de jazz avec qui je travaille. J’ai un projet de développement du genre « Bureau Export Québec » à mettre en place pour soutenir le jazz québécois à l’international avec des collaborateurs européens. Il y aura aussi la poursuite du projet Jazz @vue en collaboration avec les Productions Yves Léveillé, le réseau MAtv et Marginal Studio, puis le projet Passerelle Guadeloupe / Québec, ainsi que le petit festival Jazz en Rafale à garder en vie. Je travaille aussi sur un nouveau projet de compositions pour l’Auguste quintet. Du pain sur la planche quoi…
Mais plus prochainement, je vais canaliser mes énergies à passer le cap des 70 ans.
LE JAZZLAB ORCHESTRA SE PRODUIT AU PALAIS MONTCALM CE JEUDI ET AU THÉÂTRE OUTREMONT CE SAMEDI.