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Félix Dubé est un pianiste et compositeur de jazz basé à Montréal. Inspiré de Bill Evans, Herbie Hancock et Brad Mehldau, son jeu découle d’une grande curiosité pour la couleur harmonique, la richesse rythmique et des mélodies bien définies. En ce moment, Felix est sur le point de sortir son premier album avec son trio, Impermanence. Nous avons eu la chance de nous asseoir avec lui au Parc Lafontaine, pour discuter de cette sortie.
Le Felix Dube Trio jouera à la Sala Rossa le 20 mars à 1900.
PAN M 360 : Je suis avec Félix Dubé, un pianiste incroyable, qui va lancer son premier album dans quelques semaines, n’est-ce pas ?
Félix Dubé : Oui, très bientôt. Ça va être le 20 mars. Ça s’en vient assez vite. Les billets sont en vente sur le site de Casa del Popolo. La salle, en fait, c’est la Sala Rosa, mais la Casa del Popolo, c’est vraiment le groupe collectif qui produit les spectacles, la musique plus émergente. C’est une belle institution à Montréal.
PAN M 360 : Et pour le spectacle, tu veux jouer l’album en complet, j’imagine?
Félix Dubé : J’ai une approche plus… J’aime ça garder une différence entre l’album et le spectacle parce que dans ma tête, c’est vraiment des produits qui sont reliés mais qui ont une identité séparée. Je trouve ça important de faire aussi des covers, jouer des choses inédites pour le public qui vient écouter. Puis aussi garder une flexibilité en tant que groupe pour le jour du spectacle.
PAN M 360 : Oui, pour donner une image plus complète de votre musicalité.
Félix Dubé : Oui, c’est ça. Je trouve que ça donne un peu plus parce qu’après l’album, pour moi, d’essayer de reproduire un album au complet, pendant un spectacle live, je ne trouve pas ça aussi intéressant que de dire comme « ah, voici une des pièces de l’album qu’on joue, on a trouvé cette interprétation-là qui est intéressante et voici d’autres pièces qu’on travaille. » C’est comme tu dis, ça donne une vision plus complète.
PAN M 360 : C’est ton premier album, donc je voulais savoir, c’est quoi exactement la thèse de votre disque,Impermanence?
Félix Dubé : La thèse impermanence, en fait, c’est vraiment un concept qui vient du bouddhisme. C’est l’idée que…Le changement est un problème existentiel et on doit dealer avec le fait que tout dans la vie change constamment et qu’il n’y a rien réellement qui est permanent quand on y pense. J’aimais vraiment cette idée-là, d’observer ce problème-là musicalement et de me laisser inspirer par l’idée que les choses ne durent pas. Et que même des choses, des fois, qui donnent l’impression qu’elles sont infinies, qu’elles sont simplement comme des illusions.
Une rivière, ça a l’air d’être la même chose, mais c’est jamais la même eau, c’est jamais la même énergie. Des fois, il y a des marées hautes et basses. Puis l’idée de la pièce légende aussi, comme une légende, ça semblait quelque chose d’éternel, mais les légendes puis les histoires ou les contes sont appelés à changer avec le temps aussi.
PAN M 360 : Eh bien, on a des liens avec le jazz, l’improvisation comme ça.
Félix Dubé : Oui.
PAN M 360 : Pouvez-vous expliquer votre vision de jazz de trio. C’est quoi exactement le concept avec lequel tu joues dans le groupe?
Félix Dubé : Ma vision du trio jazz, c’est vraiment relié à une tradition en fait moi de… surtout…J’ai en tête Bill Evans qui a parlé souvent du concept qui dit en anglais ‘Interplay’. C’est l’idée que les musiciens entrent dans leurs improvisations. Donc je ne me considère pas comme le seul chef de mon trio. C’est quand même moi qui vais déterminer la vision artistique. C’est moi qui…qui suis le plus en contrôle en quelque sorte, mais je donne beaucoup de liberté à mon batteur et beaucoup de liberté à ma contrebassiste parce que je trouve que ma vision d’un trio qui improvise ensemble c’est que je devrais me laisser influencer parce qu’eux jouent aussi et vice versa.
L’improvisation c’est en quelque sorte une adaptation en quelque sorte. On s’adapte constamment au moment présent et on doit on doit sentir quelle direction en tant que groupe on peut prendre. Puis pour moi c’est important que les trois musiciens soient un peu comme dans cet état d’esprit-là. C’est vraiment aussi en opposition avec comment le jazz était fait avant Bill Evans. La raison pour laquelle c’est un concept, c’est qu’autrefois le batteur et le contrebassiste avaient comme un rôle très petit, très défini de comme « Ah t’es un contrebassiste, tu dois jouer des noirs par exemple, une répétitive, puis garder le beat, puis jouer des choses plus prévisibles ». Le batteur aussi avait davantage un rôle de stabilisation, mais là en trio avec ce concept-là tu es appelé à déstabiliser, puis parfois les rôles peuvent être inversés, peut-être que la contrebasse va jouer la mélodie, peut-être que le piano va avoir un rôle plus percussif. Il y a quelque chose dans cette possibilité-là que je trouve très attrayante. J’ai toujours aimé explorer.
PAN M 360 : Peut-être que tu peux expliquer ou raconter ton parcours musical. Parce que j’observe une touche classique dans ta technique. Est-ce que c’est une partie de votre formation?
Félix Dubé : Oui, j’ai été formé un bon deux ans en classique au cégep de Sainte-Foy. Des années difficiles parce que je n’étais pas encore certain quel genre de musicien je voulais être. En classique, je ne me sentais pas nécessairement à ma place parce que je trouvais que c’était déjà très écrit. Il y avait une espèce de rigidité. Quand tu interprètes de la musique classique, tu fais un peu un travail d’historien pour dire « ok, je dois jouer la pièce de Bach comme Bach aurait voulu que je la joue. » « Je dois rester proche de l’idée originelle. » Mais ça m’a servi beaucoup juste parce que le classique est aussi réputé pour être une bonne école, pour apprendre la technique et l’expressivité au piano aussi, difficile et exigeante, mais ça m’a vraiment beaucoup aidé dans mon jeu et ça contribue à qui je suis aujourd’hui. Après le classique, c’est là que j’ai essayé le jazz à l’Université Laval.
Avec plusieurs professeurs, j’ai commencé avec Sébastien Champagne, qui est un excellent pédagogue. J’ai continué avec Rafael Zaldivar, qui m’a beaucoup influencé. Il est un excellent musicien Cubain, qui a gagné le concours de la relève de Radio-Canada, et il est relativement connu quand même. J’ai toujours été marqué par son jeu très franc et percussif. Il est capable d’aller dans les profondeurs du clavier. Ses lignes improvisées sont très définies, percussives, puis il y a quelque chose dans les vents que j’ai beaucoup aimé, que j’ai essayé d’absorber de son jeu. Après que j’ai terminé à l’Université, j’ai continué mes études à Montréal. J’ai été accepté à McGill pour un diplôme d’études graduées en performance. C’est comme un programme est à mi-chemin entre entre la maîtrise et le doctorat. Une seule année, c’est vraiment un diplôme de perfectionnement.
PAN M 360 : Avant la pandémie?
Félix Dubé : Oui c’est ce qui était quand même étrange aussi parce que j’ai préparé un plein récital cette année-là, puis juste quand la pandémie a commencé, tous les spectacles dont mon récital de cette année ont été malheureusement cancellés, puis ce fut la fin de mes études. Ça fait en sorte que mes études et puis mon parcours académique musical ont fini un peu en queue de poisson.
C’était quelque chose. Et là, c’est ça, pendant la pandémie, j’ai pris une pause de la musique le temps que la pandémie passe. J’ai travaillé sur les camions à transporter du matériel médical, comme des choses pour les hôpitaux, le temps de me financièrement. Et finalement, dans les dernières années, j’ai été capable de recommencer et finaliser ma lancée en musique.
PAN M 360 : Et c’est quoi exactement les origines de tes compositions dans l’album? Ont-elles été créées durant la pandémie?
Félix Dubé : C’est une bonne question. Les origines de mes pièces ont quand même varié. Il y en a certaines que j’avais écrites…La majorité, je les ai écrites, c’était pour le récital qui a été cancellé. La grande majorité. Mais ils ont été écrits de plusieurs façons différentes.
Il y en a une que j’ai écrite en marchant à la base de plein air de Québec. Des fois, j’aime ça marcher dans les bois, juste parce qu’il y a tellement de silence que ça amplifie un peu mes pensées et la musique dans ma tête. Ça m’aide à recevoir des mélodies en quelque sorte. Puis j’ai réentendu les pas dans ma tête et la pièce m’est venue comme ça.
Puis après, j’étais intéressé à faire des covers intéressants, vraiment conscients, parce que j’aime beaucoup Brad Mehldau. Je suis un énorme fan de Brad Mehldau et j’ai toujours aimé qu’il fasse des covers des Beatles. Puis il y a une pièce que je ne sais pas pourquoi j’arrêtais pas d’entendre partout puis que j’aimais beaucoup, c’est la pièce God Only Knows des Beach Boys, qui est le single de l’album.
Je trouve que les bons covers en jazz, il faut qu’il y ait quelque chose qui reste quand t’enlèves les paroles. Parce que certaines pièces, si t’enlèves les paroles, t’enlèves trop de ce qui fait que la composition fonctionne, surtout quand on a des gens qui travaillent principalement avec le texte. Mais je trouvais que God Only Knows, puis Brian Wilson en général, et The Beach Boys écrivent la musique qui fonctionne très bien, même sans paroles. Puis God Only Knows, je trouvais que d’une façon un peu étrange avec une base aussi qui bouge beaucoup que je trouvais fascinante. Je suis vraiment tombé en amour avec la pièce puis je l’ai étudiée puis je l’ai arrangée à ma façon.
PAN M 360 : C’est super beau ton rendition.
Félix Dubé : C’est gentil.
PAN M 360 : On a très hâte de voir ce spectacle à Casa del Popolo le 20 mars.
Félix Dubé : Oui, le 20 mars. C’est à 1900 heures. Il va avoir aussi une première partie avec le groupe qui s’appelle Empty Melon. C’est une formation avec ma contrebassiste. C’est elle qui interprète son projet. Je voulais lui offrir une première partie parce qu’elle fait vraiment de la très belle musique.J’ai beaucoup de respect pour elle comme compositrice. On a vraiment hâte de jouer, puis après on fera deux sets avec beaucoup des pièces de l’album et plus encore.
PAN M 360 : Super! Félicitations Félix, toutes mes félicitations. Merci d’être là.
Félix Dubé : Cela me fait plaisir, c’était vraiment un honneur.