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Au cœur de la vaste tradosphère québécoise navigue le trio É.T.É, formé d’Élisabeth Giroux (violoncelle, chant et chœurs), d’Élisabeth Moquin (violon, chant, chœurs, podorythmie et guimbarde) et de Thierry Clouette (guitare, bouzouki irlandais, banjo, chant, chœurs, podorythmie, basse et synthétiseur). Pour faire suite aux albums Le boire des minuits (2017) et Les quatre roses (2019), ces trois musiciens aux curriculum vitae bien garnis lancent ces jours-ci Sur ces eaux, un recueil où cohabitent dix chansons et morceaux instrumentaux, dégotés dans le répertoire ou originaux. À l’écoute de leur musique, on constate que les deux Élisabeth et leur Thierry sont de hardis créateurs; en discutant avec Élisabeth Moquin, on comprend mieux pourquoi.
Pan M 360 : Bonjour Élisabeth! Votre nouvel album Sur ces eaux sort le vendredi 4 novembre?
Élisabeth Moquin : Oui, en numérique le 4 novembre et en « physique » le 8!
Pan M 360 : Le jour de votre prestation à Coup de cœur francophone, au Lion d’Or! J’ai eu le bonheur d’écouter Sur ces eaux en avant-lancement. Du très beau boulot! Avez-vous collaboré de nouveau avec Marc Maziade?
Élisabeth Moquin : Non, pas cette fois-ci; on a réalisé l’album entre nous, à trois. Ce que nous avons toujours fait, d’ailleurs. Pour le deuxième album, Marc nous avait donné un coup de main à la préproduction, sous forme de conseils et idées.
Pan M 360 : Votre musique est riche en textures et en partitions étoffées.
Élisabeth Moquin : En fait, nous n’utilisons pas de partitions. On s’assoit et on crée tous les trois ensemble, on y va à l’oreille et selon ce qu’on ressent. Donc, personne n’arrive avec des partitions. C’est plus long comme processus, sauf que tout le monde est content. Il y a de chacun de nous dans les pièces.
Pan M 360 : C’est sans doute ce qui confère une qualité picturale à votre musique, dans les coloris et les images qu’elle évoque. Est-ce que vous visualisez les histoires que vous racontez de cette manière?
Élisabeth Moquin : Oui, on fonctionne beaucoup au moyen d’images dans notre tête. Quand on discute ou qu’on fait des arrangements, il arrive souvent qu’on se dise des trucs comme « Ah oui, là je vois un kayak qui descend des rapides, mais au ralenti! ». Donc, l’ambiance de la pièce reflétera ça. Cette façon de faire nous aide. Oui, notre musique comporte plusieurs couches et différents textes, mais il y a des moments qui sont assez cinématographiques, assez poussés, donc loin du trad conventionnel.
Pan M 360 : Un peu comme une trame sonore, donc. Quand il s’agit de pièces du répertoire, faites-vous les arrangements à trois?
Élisabeth Moquin : Oui, toujours tous les trois assis ensemble. Il y a évidemment de la recherche qui se fait, dans le répertoire, avant d’entamer la création. On a chacun nos forces, c’est ce qui fait la beauté de notre trio. On propose des chansons, puis on convient d’une orientation : plus calme, classique, rock’n’roll, funk, techno ou complètement trad, par exemple.
Pan M 360 : Qu’en est-il de vos compositions originales? Tout le monde met la main à la pâte?
Élisabeth Moquin : Nos compos sont un peu plus explorées. En fait, c’est moi qui compose, autant les chansons que les pièces instrumentales. Il y a souvent des pièces qui sont plus en mode mineur, il y a plus de possibilités de couleurs dans les accords. Je compose en fonction du son d’É.T.É, dans l’optique des textures qu’on veut aller chercher.
Pan M 360 : Vous interprétez des pièces du répertoire traditionnel québécois et acadien. Faites-vous beaucoup de recherche pour en dégoter des plus rares, des moins interprétées?
Élisabeth Moquin : Oui, on tente toujours de trouver des pièces jamais ou peu jouées. Mais compte tenu du nombre de formations trad, beaucoup de collectes ont été faites. Il y a donc de fortes probabilités qu’on fasse des pièces qui ont déjà été reprises par Galant, tu perds ton temps, Les Charbonniers de l’Enfer ou d’autres. Notre objectif devient alors de modeler la pièce à notre image, d’en modifier les arrangements pour qu’elle corresponde à notre son.
Pan M 360 : Sur votre nouvel album, vous interprétez une chanson qui s’appelle L’étoile du nord. Les Batinses, un groupe trad de Québec, en faisait une variante intitulée Anticosti, sur leur album L’autre monde paru en 2002.
Élisabeth Moquin : Oui, c’est une pièce qui a été interprétée quelques fois. Belle Émilie aussi, qui peut aussi s’intituler Le galant à la claire épée. Pour l’album Sur ces eaux, la thématique est aquatique, donc des marins qui partent à la guerre ou qui s’éloignent de leurs bien-aimées. La beauté des pièces du répertoire traditionnel, c’est qu’il s’agit d’une matière brute qu’on peut modeler à notre manière. C’est l’un des éléments qui rend le trad si intéressant.
Pan M 360 : En effet. Combien de variantes d’une pièce semblable peut-il exister, en France, en Acadie ou Québec?
Élisabeth Moquin : Ça peut être infini! Parce qu’il n’y a pas de consensus entre les groupes et que, comme on veut faire des versions distinctes, on donne des titres différents aux chansons.
Pan M 360 : Je me rappelle d’avoir vu et entendu Gabriel Yacoub ici, au Québec, dans les années 1990. Il interprétait des chansons que des musiciens trad avaient déjà reprises ici.
Élisabeth Moquin : Malicorne, son ancien groupe, a été assez influent ici. Même dans nos trucs à nous, il y a des choses qui s’inspirent de Malicorne, parce que Thierry (NDLR : Clouette, membre du trio) a été admirateur de ce groupe pendant plusieurs années. C’est l’une des nombreuses influences qui déteignent sur notre musique.
Pan M 360 : À quoi peut-on s’attendre le 8 novembre à Coup de cœur francophone? Y aura-t-il des invités sur scène avec vous?
Élisabeth Moquin : Oui, il y aura Véronique Plasse et Louis Gloutnez, qui ont joué respectivement du violon et du bodhran sur l’album.
Pan M 360 : Merci beaucoup Élisabeth, bon concert et longue vie à Sur ces eaux!
Élisabeth Moquin : Merci, on vient tout juste de terminer notre dernière répétition, la mise en scène est prête!
Photo : Camille Gladu-Drouin.