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Au firmament des étoiles d’Afrique de l’Ouest, désormais considérée parmi ses incontournables divas, Dobet Gnahoré vise encore plus haut. À PAN M 360, l’artiste de Côte d’Ivoire présente fébrilement Couleur, son nouvel album sous étiquette Cumbancha. Gagnante d’un Grammy en 2009, la chanteuse propose cette fois un savant mélange de styles africains, douzaine de titres assortis d’un vernis pop et exprimés en différentes langues africaines ou en français.
PAN M 360 : Pouvez-vous nous décrire le projet Couleur ?
DOBET GNAHORÉ : Ça a pris beaucoup de temps! J’ai commencé à travailler là-dessus après la sortie de mon album Miziki (2018). Je voulais un projet qui me permettait de danser sur mes propres paroles tout en gardant mon originalité. J’ai contacté un producteur local et je lui ai fait écouter deux ou trois morceaux. J’ai vu rapidement que ça marchait bien!
En ce qui concerne les thèmes ? Je voulais parler de la femme. Je parle tout le temps de la femme, mais je voulais que cette fois-ci il y ait plus d’espoir et de joie dans mes mots. J’ai pu parler de son évolution et de sa beauté, donc je l’ai magnifiée. J’ai eu le temps de voir les jeunes filles modernes de Côte-D’Ivoire; des entrepreneures, des battantes, des gens qui ont une autre vision du futur. Ça m’a beaucoup inspirée !
Par rapport à la musique, je ne voulais pas faire exactement dans le genre urban. Ce n’est pas moi. Je voulais quelque chose qui ressemble à l’approche urban mais d’abord mettre de l’avant une couleur panafricaine. Mon album précédent était déjà sur une voie un peu plus électro. Ce côté est renforcé sur les titres Couleur, Woman, Mon époque, Zaliguéhi et Mi Pradjô . Toutes ces chansons montrent ce changement. J’ai donc misé sur des rythmes très dansants et très diversifiés. Pour d’autres chansons, comme Rédemption, je voulais quelque chose de simple et d’émotif. Pour celle-là, je me suis repris sept fois avant de l’avoir!
Pour l’esthétique, il me fallait aussi quelque chose d’original. Je voulais une pochette design, simple et actuelle. Du coup, j’ai décidé de me peindre avec un dessin traditionnel qui représente le mariage. L’album est lié intimement à la femme et à une de ses faiblesses; elle est toujours amoureuse ! Je pouvais ainsi parler de la nouvelle génération moderne qui est plus libre, mais qui pense encore tout le temps à se marier.
PAN M 360 : Voyez vous Couleur comme un mélange de traditionnel et de moderne ?
DOBET GNAHORÉ : Oui. Bien sûr, notre musique traditionnelle doit rester et doit nous inspirer. C’est important de lier ma musique aux traditions, mais je veux aussi rejoindre ce mouvement de musique africaine plus urbaine. En ajoutant la tradition au mélange de l’électro et du moderne, on obtient une autre couleur. Chaque titre est un mélange de plusieurs influences. Par exemple, la première chanson, Le désert, est un morceau inspiré de la musique marocaine à laquelle j’ai ajouté des flûtes pygmées pour créer une autre couleur intéressante. Ainsi on découvre du nouveau à chaque morceau et on se laisse emporter par le style.
PAN M 360 : Vos voyages doivent bien induire une approche unique à votre travail ?
DOBET GNAHORÉ : Absolument, surtout que je compose tout le temps. Je suis influencée par l’univers qui est autour de moi. Que ce soit les gens qui m’entourent, le soleil ou le froid. La direction dans laquelle je veux aller est influencée par où je suis. Après avoir suffisamment composé, je regroupe des titres ensemble en m’assurant d’une chose; la cohérence. Je m’assure que les chansons auront au moins des thèmes similaires pour qu’il y ait un lien qui unit tous ces titres.
Je suis musicienne et mon père aussi. J’ai des racines en Côte D’Ivoire, j’ai vécu vingt ans en France, j’ai voyagé un peu partout dans le monde. J’ai toutes ces influences d’où je suis passée. Elles ajoutent quelque chose à ma musique. Lève-toi est un mélange de styles ivoiriens tandis que Jalouse, qui vient juste après, est bien plus contemporaine.
PAN M 360: Comment situez-vous Couleur dans votre discographie ?
DOBET GNAHORÉ: Je crois que c’est un de mes meilleurs albums. Il y a de l’émotion, de la recherche, de la diversité et de la couleur. Je suis aussi fière des textes qui parlent d’espoir et de joie. On peut aussi danser dessus! Le fait que je me suis beaucoup déplacée durant le processus créatif m’a aussi aidée. J’étais en pleine maîtrise; j’ai travaillé avec des musiciens et des artistes que j’ai choisis. C’est une fierté d’avoir fait un album complet chez moi en Côte-d’Ivoire. C’est aux gens de voir s’ils vont l’aimer, mais moi, je l’adore. C’est une source de joie pour moi et ce n’est pas juste parce que je chante dessus.
PAN M 360 : Vos albums sont souvent chantés dans une langue qui varie de projet en projet. Est-ce le cas pour Couleur?
DOBET GNAHORÉ : Pour Couleur, c’était le français. Mon but était que la majorité des gens comprennent ce que je chante pendant qu’ils dansent. J’ai plus de chansons en français, mais j’ai aussi trois… non quatre… non six autres langues qu’on peut entendre. Après tout, je suis Ivoirienne, je parle beaucoup le français; nous le pratiquons tous là-bas. Je me fais plus comprendre avec celle-ci que dans une autre langue. Je me suis dit que c’était plus logique si on entendait ce que je disais. Ce n’est pas toujours nécessaire, mais je voulais que l’on saisisse les sujets de cet album.
PAN M 360 : Après vingt ans d’expérience, êtes-vous encore stressée de sortir un nouvel album?
DOBET GNAHORÉ : Ce n’est pas quand l’album sort qu’on est stressé, c’est quand on commence à le faire. Ce n’est pas évident de concrétiser une idée. Comment fait-on pour la transformer en chose réelle ? C’est ça le plus difficile. C’est là que j’ai été le plus stressée !
PAN M 360 : Avez vous déjà imaginé devenir une artiste aussi accomplie que vous l’êtes aujourd’hui ?
DOBET GNAHORÉ : Accomplie? Je ne sais pas encore, j’ai beaucoup de temps devant moi pour ça. Gamine, dès l’âge de 10 ans, je voulais devenir artiste. Je ne peux que remercier les anges et l’univers de m’avoir donné cette chance à laquelle j’ai toujours rêvé. C’est clair que j’ai encore envie de développer mon art. Je veux rejoindre encore plus de monde!
PAN M 360 : Parlant de rejoindre plus de monde, travaillez-vous déjà sur un autre projet?
DOBET GNAHORÉ : Oui, on ne prend pas de pause dans la musique. J’ai déjà 18 titres sur lesquels j’aimerais travailler. Ce sera quelque chose de plus doux qui va rester dans l’émotion.
PAN M 360 : Pourra-t-on encore danser dessus?
DOBET GNAHORÉ : Oui, mais des danses très suaves ! Je crois que ça sera plus lié à l’amour, à la passion, à tout ce qui est charnel. Mes albums dépendent vraiment de mes états d’esprit. Pour Couleur, je voulais me battre et être entrepreneure. Je voulais célébrer mon épanouissement. Pour celui qui s’en vient, je suis dans un mood d’amour. Ça me vient de mon mari, de mes enfants et les histoires romantiques de mes amis, tous des éléments que je trouve très mignons. Je suis très épanouie dans mon rôle de mère, de femme au foyer et d’artiste. Vu que je suis hyperactive, je peux gérer mes enfants, mon mari et ma carrière et c’est au cœur de cet épanouissement que je compte poursuivre mon évolution.