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Jeudi dernier, le CIRMMT (prononcé Kermitt, comme la grenouille) inaugurait sa nouvelle salle multimédia. Une infrastructure de pointe, dont l’usage est triple: labo de recherche acoustique, salle de concert et studio d’enregistrement capable d’accueillir un orchestre symphonique. Un équipement unique au monde dont se dote Montréal qui ouvre des avenues de recherche pour toute une génération de chercheur-ses et musicien-nes québécois.
L’expérience auditive de cette salle est d’une sensualité jouissive, tout Montréalais qui se respecte devrait la vivre.
Nous avons rencontré celui qui a participé ce projet depuis vingt ans et porter les deux dernières demandes: Marcelo Wanderley, professeur en technologie de la musique à l’université McGill.
PAN M 360: Pourquoi avait-on besoin de ce projet de salle multimédia au Centre interdisciplinaire de recherche en musique, médias et technologie (CIRMMT)?
Professeur Marcelo M. Wanderley: En 2006, nous avions une salle qui était bien pour la musique, mais notre installation était rustique; les planchers étaient en contreplaqué, on utilisait des rideaux pour gérer la réverbération du son, alors pour répondre aux besoins des chercheurs du CIRMMT nous avions besoin d’une salle multi-fonctionnel, de haute technologie, un endroit où l’on peut jouer de la musique mais aussi où l’on peut étudier la musique et le son. Pour ça, il nous manquait des millions de dollars, parce qu’un plancher de 400 mètres carrés, en plus du traitement acoustique d’un volume de 7000 mètres cubes, ça fait cher, quand même.
Le professeur Wanderley sourit en évoquant les tuiles acoustiques, les rideaux amovibles, les réflecteurs de bois qui composent l’essence de la salle. Il poursuit:
On a investi 6 millions de dollars. À lui seul, le système de son Constellation coûte plus d’un million. Constellation, c’est 62 haut-parleurs, des microphones, un équipement qui ajuste la réverbération de la pièce en fonction de nos projets, un bijou technologique qui permet de moduler l’acoustique de la salle à volonté.
PAN M 360: Quel a été votre rôle dans le projet?
Professeur Marcelo M. Wanderley : (rires) Bien, c’est moi qui l’ai écrit, cinq fois. Avec d’autres chercheurs, bien sûr, nous avons présenté le projet à la Fondation Canadienne de l’Innovation, nous leur avons expliqué quels étaient les recherches que nous comptions faire dans cette salle, c’était la cinquième fois que nous présentions notre demande; en 2000, 2002, 2004, 2012, et chaque fois ça n’a pas fonctionné, finalement en 2014 nous avons eu le feu vert.
PAN M 360: Qu’est-ce qui a fait que ça a fonctionné cette 5e fois?
Professeur Marcelo M. Wanderley: Le partenariat avec l’Université de Montréal! Nous en avons fait un projet de 11 millions, où il y avait trois millions pour la Salle Claude-Champagne et soudainement ça devenait un projet qui touchait pratiquement tous les étudiants en musique du Québec. En 2014, nous nous préparions à présenter une nouvelle demande, l’équipe de l’U de M préparait son projet de son côté et m’a contacté pour que je collabore à leur propre demande, nous avons marié les projets, nous sommes allé au-delà de l’idée du clocher, où une université est propriétaire d’une salle qui lui permet de dire qu’elle est la meilleure. On s’en fout de cela. C’est l’argent du contribuable que ce soit à McGill ou à l’U de M.
PAN M 360: Parlons-en du contribuable: pourquoi a-t-on besoin d’une infrastructure de pointe comme celle-là à Montréal en 2023?
Professeur Marcelo M. Wanderley: D’abord, pour sa réalisation, on a développé des connaissances en acoustique qui sont uniques au monde; les architectes, les ingénieurs qui ont travaillé sur le projet ont appris à faire des choses qui ne se sont jamais faites. C’est très exportable ce qui a été fait ici. Je pense que la Chambre de Commerce de Montréal devrait regarder ce projet et s’en vanter.
Ensuite, avec cet équipement nous allons attirer les meilleurs chercheuses et chercheurs du monde entier parce qu’il n’y a pas cinq laboratoires comme celui-là dans le monde.
Il y a un potentiel économique monstrueux ici.
PAN M 360: C’est donc de la recherche de pointe qui est hautement applicable?
Professeur Marcelo M. Wanderley: “Oui, par exemple, si l’OSM doit faire un concert au Orange Bowl à Los Angeles, évidemment c’est une acoustique très particulière, l’Orange Bowl. On doit en tenir compte dans la préparation du concert. Or, on peut recréer les conditions acoustiques de ce stade à même notre salle.
On peut simuler énormément d’environnements. Pour les musiciens, on ne joue pas de la même façon dans la Maison symphonique, dans un aréna ou dans une cathédrale. C’est un exemple d’application pratique de la salle.
PAN M 360: Si on entre au CIRMMT dans les prochains mois, on sera exposé à quels projets de recherche?
Professeur Marcelo M. Wanderley: Notre premier axe, c’est le développement de nouveaux instruments, de nouvelles interfaces de création de musique, on crée des sons jamais imaginés. Le deuxième axe c’est l’informatique, toute la base de données musicales, les partitions, la reconnaissance d’image , le troisième, c’est l’étude du mouvement, la cognition, du style de jeu et le dernier c’est l’application de tout ça dans la performance, dans la pratique. On a plus de 60 chercheurs, de 8 ou 9 universités qui travaillent ici.
PAN M 360: Vous êtes ingénieur de formation? Ça nous amène à discuter de l’interdisciplinarité qui est un de vos chevaux de bataille.
Professeur Marcelo M. Wanderley: Moi, je ne suis pas musicien. Je suis ingénieur, et je suis très humble face aux musiciens qui m’entourent (rires) mais au CIRMMT, on touche à tous les domaines. Ça va de la philosophie, au génie électrique, mécanique, physique, en passant par l’histoire, la musique, la neuroscience.
C’est un truc que je trouve génial au Québec, on a du financement pour un centre transversal comme le nôtre. On bouscule les structures en silos avec la multidisciplinarité des projets; par exemple, une de mes étudiantes mène un projet qui permet à un musicien en apprentissage de ressentir physiquement, avec l’aide de capteurs, l’action des muscles, des tendons, de la respiration d’un musicien professionnel et donc de s’en inspirer pour sa propre pratique. C’est un projet inclassable, est-ce un projet de musique ou de génie? Le CIRMMT permet ce genre de projet que les facultés ne savent pas où classer.
Et on sent que le professeur Wanderley s’amuse beaucoup à l’idée de susciter des projets de ce type qui remettent en question les structures établies.
Professeur Marcelo M. Wanderley: En terminant, le CIRMMT est aussi un lieu de performance. Le grand public peut y voir des concerts, pour la plupart gratuits, il suffit d’aller voir sur le site web de l’école de musique Schulich.