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PAN M 360 : Feralyzed s’inscrit dans la veine synthwave des précédentes parutions de Cat Temper. Les titres mêmes des chansons du premier album sont de parfaits exemples du genre : Dark Matrix, Vector Blade, Toxigon. Vous semblez d’ailleurs avoir un réservoir inépuisable d’idées dans ce style particulier. Quel est votre point de vue sur le synthwave ?
Mike Langlie : J’ai grandi durant les années 1980 et donc avec la musique qui a inspiré le mouvement synthwave. Être amateur de synth-pop n’était pas cool du tout à l’époque – pas dans la petite ville où j’étais, en tout cas – alors je suis ravi de voir que c’est maintenant un style qu’on apprécie et respecte.
C’est aussi dans les années 80 que j’ai commencé à faire de la musique. Les artistes qui m’ont influencé à ce moment-là m’influencent encore aujourd’hui. Je fais le genre de musique que j’ai toujours aimé écouter et jouer, ça n’a rien à voir avec la nostalgie ou une recette à succès. D’autres influences se sont également glissées au fil des décennies, de sorte que je ne considère pas mon travail comme étant du « pur » synthwave. C’est d’ailleurs parce que ma musique est hybride qu’elle s’est fait remarquer.
PAN M 360 : Votre projet précédent, les explorations « joujoutroniques » de Twink, avait un joli petit lapin comme mascotte. Il était très kawaii, comme diraient les Japonais. Le totem de Cat Temper est bien entendu le félin. Pourquoi avoir choisi le chat pour cette série d’œuvres ? Seriez-vous par hasard un ailurophile en bonne et due forme?
Mike Langlie : Mon projet instrumental Twink avec les jouets était l’équivalent musical d’un tour de manège dans un parc d’attraction sonore. Une critique l’a même décrit comme étant « du Lisa Frank musical sous acide ». Après avoir longtemps fait ce genre de choses, j’avais besoin de changer de direction. Je suis retourné à mes racines électro-punk des groupes précédents, en ajoutant un côté malveillant et de la distorsion. Cat Temper se promène entre l’aimable et l’agressif, il m’a donc semblé logique de l’incarner dans un personnage félin malicieux. Et oui, je suis totalement fou des chats !
PAN M 360 : Après les débuts de Cat Temper, Purring for Vengeance, vous avez enchaîné avec Henry, une bande-son alternative au premier chef-d’œuvre de David Lynch, Eraserhead. Pourquoi ce détour ?
Mike Langlie : J’ai toujours été un grand fan de David Lynch. Un autre truc que j’aime, c’est les trames sonores alternatives de films classiques. Relativement dépouillée, la bande originale d’Eraserhead m’a semblé propice pour combiner ces deux passions. J’ai beaucoup aimé me concentrer sur certaines scènes comme si c’était des vidéoclips, tout en maintenant les fils conducteurs. Le jeu et le rythme d’Eraserhead sont tellement différents de ceux des films plus conventionnels. Comprendre le rythme et la dynamique de chaque scène m’a amené à rompre avec mes habitudes d’écriture d’une manière à laquelle je n’aurais jamais pensé autrement. J’ai regardé le film littéralement des centaines de fois pendant l’année où j’ai travaillé sur l’album, et bien que je le connaisse à fond, je n’arrive toujours pas à l’expliquer !
Henry, d’après le nom du personnage principal, est l’album sur lequel j’ai le plus travaillé, pour le plus petit auditoire potentiel. Je me rends compte de la dimension prétentieuse de ma démarche à vouloir remplacer la brillante conception sonore de Lynch, mais l’une de mes motivations était de rendre le film accessible à des gens qui en temps normal ne s’y seraient pas intéressés.
PAN M 360 : La troisième parution de Cat Temper, Digital Soul, avait aussi une thématique distincte, une partie d’échecs homme contre machine avec des implications existentielles. Quelle est l’idée derrière ce jeu ?
Mike Langlie : Faire Henry avait été tellement captivant que j’ai tout de suite voulu faire une autre bande-son alternative. J’ai choisi un faux documentaire indépendant de 2013 un peu étrange intitulé Computer Chess qui porte sur des nerds à une conférence sur l’IA au début des années 1980. Son humour ironique et son étrangeté rappellent un peu Eraserhead, également filmé en noir et blanc, et la bande-son minimale laissait de la place pour ma propre musique. Mais comme après quelques scènes, j’ai senti que ça ne fonctionnait pas, j’ai décidé de prendre ce que j’avais fait et d’en tirer un autre album. J’ai suivi la thématique et créé ma propre histoire de science-fiction de l’homme contre la machine comme guide pour le rythme et le ton des chansons. Je me suis aussi beaucoup inspiré des bandes-son de John Carpenter, Tangerine Dream et Giorgio Moroder.
PAN M 360 : Avec les deux derniers albums, Something Whiskered This Way Comes et maintenant Feralyzed, vous semblez avoir cédé à la tentation et employé un calembour félin comme titre pour chacun des morceaux. Pensez-vous pouvoir en trouver d’autres ou avez-vous épuisé les neuf vies du chat ?
Mike Langlie : En tant que designer graphique, je sais à quel point le branding est important, il est donc tout naturel de vouloir maximiser la thématique du chat. Les jeux de mots sur des titres de chansons et d’albums de heavy metal classique sont aussi une façon de rendre hommage à certaines influences improbables dans ma musique. Je note mes idées dans un carnet, mais j’admets qu’il est de plus en plus difficile de trouver des nouveaux titres, surtout avec l’arrivée de nouveaux groupes axés sur les chats. À ce propos, mon préféré est un duo de death-metal qui s’appelle Litterbox Massacre.
PAN M 360 : Avec Twink, et maintenant Cat Temper, le design de vos productions demeure toujours très soigné, tant pour le graphisme que pour l’illustration, et toujours en parfaite adéquation avec la thématique. Toutefois, avec Cat Temper, vous avez fait appel à d’autres illustrateurs pour les pochettes.
Mike Langlie : Avec Twink, j’ai eu de nombreux collaborateurs musicaux et jusqu’à présent, Cat Temper a été un projet solo. Ce qu’une autre personne peut apporter de frais et surprenant me manque, et j’étais curieux de voir de quelle façon les autres interpréteraient mon travail visuellement. De plus, j’ai moins de temps ces jours-ci, confier le travail d’illustration de la pochette m’en laisse donc plus pour la musique. Chacun des artistes a choisi sa propre voie, ce qui, je crois, a très bien servi chacune des parutions. Ils font des clins d’œil à l’iconographie un peu éculée du synthwave tout en amenant quelque chose de nouveau.
PAN M 360 : Pour le bénéfice de tous les geeks de synthés parmi nos lecteurs, pouvez-vous dresser la liste de l’équipement dont vous vous servez pour la musique de Cat Temper ?
Mike Langlie : J’ai vendu la majeure partie de mon équipement physique au fil des ans et je travaille maintenant presque uniquement avec Reason sur mon ordinateur portable. C’est une collection de synthés, de boîtes à rythmes, de séquenceurs et d’effets, avec une interface sympathique. Je me sers aussi parfois de certains des claviers-jouets de ma collection. L’an dernier, j’ai acheté du nouveau matériel que je compte utiliser sur de prochains albums, dont quelques petits Pocket Operators fabriqués par Teenage Engineering, un Korg Volca FM, qui est un clone du mini DX7, un Bass Station II et un Roland JU-06A. Jamais je ne me séparerai de mes premiers instruments, un Casio CZ-101 et une boîte à rythmes miniature de Mattel Synsonics.
PAN M 360 : Quels sont vos projets pour Cat Temper après Feralyzed ? Dans quelle direction aimeriez-vous aller ?
Mike Langlie : J’ai deux autres albums qui sont presque prêts et qui sortiront plus tard cette l’année. Le premier est un peu plus bruyant que les précédents. Dans le second, il y aura une chanteuse ou un chanteur différent pour chaque chanson. Chacun.e a écrit ses propres – et formidables – paroles à thématique féline et j’ai bien hâte de les lâcher dans la nature!