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Jam a souvent joué en équipe mais… Dans le contexte de Bettta, son premier projet solo, le rappeur montréalais se réapproprie les codes musicaux qu’il apprécie véritablement, sans compromis. Avec sept chansons, le EP est à la fois court et lent avec son allure flâneuse et intimiste.
L’artiste, de son vrai nom, David Beaudin-Kerr, n’en est pas à ses premières armes lorsque nous parlons de hip hop ; il a participé à deux projets collaboratifs, soit avec le vétéran PDox sur Souriez un peu (2011) et Souriez on vous regarde (2012), il a également sorti l’album Kosséça!?! avec le collectif multidisciplinaire K6A et finalement.
Ses projets les plus importants sont sans conteste les trois enregistrements de Brown Family, groupe composé de son propre père (Robin Kerr, d’Uprising), son frère (Greg Beaudin-Kerr, alias Snail Kid,de Dead Obies) et lui-même. Betta marque une nouvelle étape de sa vie, c’est-à-dire mener seul un projet du début à la fin et faire seul sa marque.
Il occupe tout l’espace sur Bettta et y pose des paroles nostalgiques, souvent tristes. Usé par une relation difficile, inquiet de l’argent qui ne vient pas, le rappeur se laisse aller sur des mélodies toutes simples pour exorciser son côté sombre. Sans paillettes ni trompettes, Bettta a été lancé le 28 mai 2021 sous étiquette Disques 7ième Ciel. Il ramène sous les projecteurs un rap old school, avec des trames instrumentales vaporeuses et des paroles nonchalantes, qui donnent au final envie de se promener sous les arbres lors d’une belle journée.
PAN M 360 : Question toute simple pour commencer : pourquoi avoir intitulé ton premier projet solo Bettta ?
JAM : C’était un peu pour faire le jeu de mots avec le contraire d’Alpha, et c’était aussi une référence au poisson tropical betta, menant ainsi à un mélange des deux.
PAN M 360 : Mais pourquoi particulièrement le betta? Si je ne me trompe pas, le betta est un poisson qui doit vivre seul, et tu es plutôt un gars d’équipe, non ?
JAM : Je suis un gars d’équipe… solitaire. Donc oui, effectivement, le poisson betta doit être isolé à partir d’un certain âge, il doit habiter seul dans son petit bocal, et ça m’a inspiré. Je suis quelqu’un assez solitaire.
PAN M 360 : Tu as collaboré à de nombreux projets, pourtant. Pourquoi avoir choisi de lancer ton premier projet solo maintenant ?
JAM : J’ai toujours voulu faire un truc solo, et I guess que j’attendais d’avoir quelque chose à dire. J’ai écrit le projet assez rapidement, pendant la pandémie l’été dernier, et j’avais plusieurs chansons qui se tenaient, et ça faisait du sens de raise un EP.
PAN M 360 : Tu as brièvement fait des études en sonorisation, études que tu n’as jamais menées à terme, mais tu as choisi de continuer ta formation en apprenant la guitare et le piano, tout simplement en faisant de la musique. Quelles ont été tes inspirations pour la conception des beats de Bettta ?
JAM : Il y a sept chansons sur l’album; j’ai fait trois beats et ToastDawg en a fait quatre. Et tous les deux, on a des techniques assez similaire. C’est assez simple : on échantillonne, on loope des trucs qui nous plaisent, des trucs un peu obscurs, des vieux vinyles sales. C’est comme ça qu’on fait.
PAM M 360 : Et comment procèdes-tu pour l’écriture des paroles ?
JAM : Les paroles, c’est vraiment juste moi. J’y suis plus allé dans l’intime et l’introspectif mais sans trop de prétention. Ça me venait comme ça, rapidement et naturellement.
PAN M 360 : Justement, j’allais dire que Bettta est un projet dont on ressent ta nostalgie, ou même ta tristesse par moments… Est-ce que cet EP est la représentation de ta condition personnelle au cours de la dernière année ?
JAM : J’image que c’est une partie de moi… au-delà de la dernière année, ça a toujours été là. Même quand je faisais de la musique assez joyeuse, j’ai toujours eu un côté sombre. Mais tu sais, je ne suis pas en petite boule chez moi en train de me morfondre.
PAN M 360 : Quel est le thème central de ton EP ?
JAM : J’imagine qu’il y a un thème central; je sentais que j’étais toujours un peu sur le même vibe quand j’écrivais les chansons, donc je ne sais pas, peut-être quelque chose d’effectivement un peu nostalgique ou une certaine perte d’innocence. Mais tu sais, tout est sorti comme ça. Et c’est précisément pourquoi j’ai choisi de sortir mon projet en EP; j’avais l’impression qu’il y avait une ligne directrice dans tous les textes que j’écrivais.
PAN M 360 : Alors, ton processus créatif était-il le même avec Brown Family ? Sachant que sur Brown Baby Gone par exemple, vous parliez beaucoup de retour aux sources paternelles, d’identités croisées, thèmes qui se retrouvent beaucoup sur ton nouvel EP, Bettta serait-il plus semblable aux projets que voulu ?
JAM : Forcément, il y a des liens, parce que ça reste moi. Mais je pense qu’en général dans Brown, ça montre le début de l’exploration dans laquelle je suis allé en solo, c’est juste que j’ai pu me permettre d’y aller un peu plus profondément. Parce que je suis seul, j’ai pu assumer un peu plus mes textes.
PAN M 360 : Comme on l’a brièvement dit au départ, ToastDawg et toi-même avez fait la conception sonore de Bettta, mais as-tu déjà créé des sons pour d’autres artistes ?
JAM : C’est sûr que je peux passer la journée à faire des beats, mais je ne me pousse pas nécessairement à les vendre ou les donner, je travaille plus avec des ami.e.s. Mais au final, c’est plus pour moi et pour mon plaisir personnel. Mais ça arrive parfois qu’un.e ami.e ait besoin de quelque chose, et ça adonne que je peux lui offrir ce qui lui plaît.
PAN M 360 : Sur ton projet solo, tu as travaillé avec ton père et ton frère, avec qui tu as déjà beaucoup collaboré, mais aussi le rappeur Lary Kidd, qui est d’ailleurs invité sur la chanson No Way, et finalement ToastDawg. Pourquoi préfères-tu maintenir ce cercle restreint ?
JAM : C’est venu naturellement, je dirais. Lary, je le connais depuis longtemps, même si je ne peux pas dire que c’est un ami personnel, je le croise depuis longtemps et j’aime ce qu’il fait. Et donc, quand j’avais commencé No Way, je l’imaginais sur cette chanson. Ç’a été tout naturel de l’inviter à y participer. Après, c’est un petit EP, mon premier EP, donc j’avais quand même envie que ce soit moi dans la majeure partie du temps.
PAN M 360 : Tu as grandi et habites toujours dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, et même le collectif K6A, avec qui tu es associé, à son quartier général là-bas. Comment la vie de ce quartier a-t-elle influencé ta musique ?
JAM : Déjà, je pense que Hochelaga-Maisonneuve fait très village, particulièrement dans les années 90. J’ai grandi dans un quartier où personne disait « toi » et « moi », mais bien « toé » et « moé ». Donc, c’est ça qui a fait que j’ai un accent très québécois, quand je parle et quand je rappe. Vite comme ça, c’est ce que je pourrais dire de comment ç’a influencé ma musique.
PAN M 360 : Quelles sont tes inspirations musicales ?
JAM : Ouf… J’écoute tellement de trucs… En général, je ne m’inspire pas vraiment du rap, je dirais… J’ai grandi avec des références assez multiples mais justement, c’est parce que j’ai tant de références qui partent dans tous les sens que c’est pour moi très difficile d’essayer d’en isoler quelques-unes… J’ai l’impression que je devrais faire une liste et citer au moins 100 personnes… Ça dépend aussi des périodes, j’ai des vagues où j’écoute juste Tame Impala, pis après ça j’écoute juste David Bowie. Je change constamment d’inspiration, mais j’essaie toujours d’aller chercher un petit quelque chose de tout ce qui me fait vibrer.
PAN M 360 : Alors, considères-tu que Bettta est un album purement rap/hip-hop ou il relève aussi de d’autres courants musicaux ?
JAM : C’est quand même assez classique rap, c’est même un peu traditionnel, comme un retour aux sources. Justement, mon plaisir d’écouter de la musique triste ne vient pas tant du rap, c’est surtout moi qui écoute du Bowie ou du psych rock. Je pense que dans les thèmes abordés, je me suis un peu sorti du rap dans mes influences.