Backxwash: se saigner aux quatre veines

Entrevue réalisée par Louise Jaunet
Genres et styles : horrorcore / metal / rap / rock industriel

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Hantée plus que jamais par les démons du passé, Backxwash nous revient des profondeurs des ténèbres avec I LIE HERE BURIED WITH MY RINGS AND MY DRESSES. Suivant une approche do or die, l’artiste d’origine zambienne ne pouvait plus faire marche arrière après avoir remporté le prix Polaris en 2020 et démontre finalement que toute l’attention médiatique autour de son précédent album GOD HAS NOTHING TO DO WITH THIS LEAVE HIM OUT OF IT était amplement méritée. 

Tel un rituel sacrificiel, Backxwash décide cette fois de s’embraser entièrement par la douleur pour mieux renaître des cendres de ses ancêtres Chewa et Tumbuka. Afin de soutenir ce deuxième effort, Backxwash a invité toute une panoplie d’artistes aux horizons variés, tels que clipping., Ada Rook (Black Dresses) ou Godspeed You! Black Emperor, et incorpore à ce paysage sonore lugubre fait de métal et de musique industrielle différents enregistrements sonores.  Elle crée ainsi un réseau souterrain pavé de messages cryptiques qui guident l’auditeur durant cette traversée. 

PAN M 360 a joint Ashanti Mutinta, encore basée à Ottawa mais prochainement installée à Montréal, pour comprendre les choix impérieux de ce nouvel album de rap innovant.

PAN M 360 : Pour ce deuxième album, vous avez réuni plusieurs invités différents. Voulez-vous nous les introduire ?

Backxwash : Ada Rook est l’une de mes fréquentes collaboratrices en matière de chant et d’instruments. Elle n’a pas vraiment besoin d’être introduite, elle est incroyable. J’imagine que tous ceux qui sont familiers avec mon travail la connaissent probablement aussi. Il y a Censored Dialogue, j’ai pensé que c’était une bonne occasion de participer à cet album. Lauren Bousfield est une musicienne bruitiste incroyable dont j’avais besoin pour l’épilogue de IN THY HOLY NAME. SurgeryHead a produit la chanson Deviancy sur mon album du même nom. J’avais besoin de quelqu’un pour faire des cris pour moi et le résultat est absolument fantastique. Nowhere2run est comme une subdivision de Code Orange et est formé de Jami Morgan et Shade. Avec Clipping. travaillant le rythme de BLOOD IN THE WATER, j’étais aux anges. Sad13 a ajouté une véritable force surnaturelle à SONGS OF SINNERS. Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué à ce projet. 

PAN M 360 : Pourquoi était-il important pour vous d’avoir de telles collaborations ?

Backxwash : Il s’agissait simplement de déterminer ce que je pensais que les gens seraient capables d’apporter. Les collaborations se sont faites naturellement. J’essaie de faire les choses moi-même mais parfois je trouve une connexion avec quelqu’un qui pourrait être meilleur dans son domaine. C’est ce que je recherchais dans ces collaborations. De plus, il faut que le résultat soit cohérent sur le plan sonore. De nos jours, je pense que les groupes grand public collaborent avec d’autres groupes du même acabit afin de bénéficier d’un plus gros marché. Pour moi, une collaboration doit avoir tout son sens.

PAN M 360 : Sur cet album, vous collaborez une fois de plus avec Mechant Vaporwave pour la réalisation des visuels. Quelle importance occupe-t-elle dans votre projet ?

Backxwash : Je raconte mes histoires à travers le son et Mechant les raconte à travers les éléments visuels. J’accorde une grande importance à son talent. Quand elle a proposé les éléments visuels de ce projet, cela m’a encore plus époustouflé que d’habitude. C’était tellement spontané. L’imagerie complétait la musique que j’essayais de faire. J’ai vraiment de la chance qu’elle ait travaillé pour moi sur ce projet.

PAN M 360 : Dans votre précédent album, vous avez ouvert la porte de la miséricorde qui vous a ensuite conduite sur le chemin de la douleur et de l’autodestruction. Voyez-vous cet album comme votre voyage à travers les neuf cercles de l’enfer ?

Backxwash : Plutôt, oui ! Le dernier album avait un sentiment de résilience. C’était comme prendre un coup de poing dans l’estomac, cela faisait mal mais on pouvait s’en sortir. Avec celui-ci, on n’est pas capable d’encaisser ce coup. C’est plus sombre, c’est sûr. Il y a moins d’espoir que dans l’album précédent. Les albums vulnérables comme celui-ci se terminent bien ou de façon optimiste. Ils se terminent généralement par une grande rétrospective du type « Je vais mieux maintenant ». Je voulais faire quelque chose de différent. Cet album est censé me refléter dans mes moments les plus sombres. Quand je vivais ces phases, je ne pensais absolument pas à ça. Je pensais que c’était essentiellement la fin. C’est parfait qu’il n’y ait pas de facette résolument optimiste. Plus d’œuvres d’art pourraient bénéficier d’un côté lugubre, je crois.

PAN M 360 : L’album commence sur PURPOSE OF PAIN avec une lecture en boucle d’un enregistrement sur la douleur. D’où vient cet enregistrement ?

Backxwash : Je l’ai eu d’un ami qui a trouvé cette boucle d’enregistrement sur une thérapie de la souffrance. Dans la version complète, la personne parle des signaux que représentent la douleur. La version complète est plus réformatrice que le fragment que je possède. C’est une thérapie contre la douleur qui parle de la façon dont les gens peuvent trouver du soulagement dans la douleur et de ce que la douleur essaie de leur dire. J’ai coupé cette partie parce que je ne cherche pas le côté thérapeutique de la guérison de la douleur. Je parle juste de la fonction de la douleur en elle-même, comment elle s’intègre dans le flot des morceaux.

PAN M 360 : Selon vous, la douleur peut-elle être un catalyseur de transformation ?

Backxwash : Oui, sans aucun doute. Si vous ressentez de la douleur, c’est que quelque chose tente de vous dire une vérité. Un bon moyen serait de transformer cette chose, de sorte que vous ne ressentiez plus cette douleur. Mais la base de cet album est la confrontation avec la douleur, il s’agit de ressentir la douleur et d’être impuissant face à elle. Je sens juste le souffle de la douleur et je ne lutte pas contre elle. Je sais qu’elle arrive et je reste là. C’est en fait saigner à mort sans avoir la moindre chance de se battre.

PAN M 360 : À la fin de la chanson TERROR PACKETS, vous utilisez l’enregistrement d’une interview d’Angela Davis. Elle explique pourquoi la violence a éclaté lors des manifestations de la communauté noire dans les années 60 à Los Angeles en ces termes : « En raison de la manière dont cette société est organisée, en raison de la violence qui existe sous toutes ses formes, il faut s’attendre à ce qu’il y ait de telles explosions ». En quoi sa réponse est-elle toujours pertinente pour vous au regard des événements de l’an passé aux États-Unis ?

Backxwash : Elle sonne toujours juste. Ce serait tellement différent si les choses fonctionnaient en faveur des personnes opprimées. Il n’y a aucune raison pour que des personnes opprimées utilisent la violence comme outil si les choses vont bien pour elles. L’année dernière, beaucoup de gens parlaient de chasser le président américain et les fonctionnaires corrompus par le biais du système. Je le comprends, mais ils nous traitent avec des pincettes, nous gardent à distance et nous disent que les choses vont s’améliorer. Mais en général, elles ne s’améliorent pas. Les gens sont descendus dans la rue et ont causé des troubles près d’un Walmart, c’est là que c’est devenu un énorme problème. Cela montre simplement que les gens au pouvoir accordent plus d’importance aux entreprises qu’aux véritables êtres humains. J’ai mis le discours d’Angela Davis en relation avec ce que je ressentais dans ma vie.

PAN M 360 : Dans la chanson 666 IN LUXAXA, vous avez utilisé des extraits de chants zoulous. Que représentent-ils pour vous ?

Backxwash : La chanson parle de personnes qui ont été dépouillées de leur identité lorsque les colonisateurs sont arrivés à la fin des années 1800. Les Africains épousaient leur propre spiritualité et on les en a dépouillés en disant que c’était l’œuvre des démons. C’est ainsi que le processus de colonisation a commencé. La chanson raconte comment les zoulous s’abandonnent au sangoma, qui est comme un guérisseur. Même si les colonisateurs ont tenté de les dépouiller de leur culture, ils sont toujours résistants et respectent le médecin sorcier du clan. Cet échantillon complétait parfaitement les paroles.

PAN M 360 : J’ai lu que vous aviez peur du sangoma plus jeune. Qu’est-ce qui vous a fait changer de point de vue ?
Backxwash : On m’a dit que tout ce qui venait de la spiritualité traditionnelle était l’œuvre des démons. Une fois que j’ai grandi et que j’ai désappris cela, j’ai embrassé le sangoma avec une perspective différente qui n’est pas celle de la peur. Ma perspective a changé en passant du christianisme à la spiritualité de ma tribu. J’ai fini par découvrir qu’elle était surtout déformée.

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