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J’ai rencontré le bandonéoniste Denis Plante, le compositeur des Six pièces originales inspirées des suites pour violoncelle de J.S. Bach (c’est aussi le titre du concert), afin d’en connaître plus sur ce projet franchement rafraîchissant.
Pan M 360 : Bonjour Denis! Dis-moi, comment est née cette idée originale permettant une rencontre entre les univers de Bach et du tango (et par le fait même Piazzolla, son plus grand représentant)?
Denis Plante : L’idée est venue de Marc Boucher, directeur général et artistique du festival Classica. Il y a quelques années, il m’avait déjà approché en me disant qu’une rencontre entre moi et Stéphane Tétreault pourrait être l’occasion de faire des étincelles! C’est ce qu’on a fait peu de temps après avec un répertoire axé sur des arrangements de mes compositions et de tangos traditionnels. Stéphane et moi avons donné plusieurs concerts avec ce programme, et j’ai adoré l’expérience. Puis, l’an dernier, Marc nous a relancé avec l’idée d’aller plus loin : créer tout un programme de nouvelles compositions inspirées des Suites pour violoncelle seul de Bach, que Stéphane allait jouer de toute façon en 2021, et ainsi souligner de façon originale le centenaire de naissance d’Astor Piazzolla! J’ai commencé à écrire dès l’été dernier, puis au printemps, les partitions étaient prêtes. Depuis quelques semaines, moi et Stéphane sommes en train de les répéter, et maintenant on est prêts pour les présenter en première mondiale au public de Classica!
Pan M 360 : Comment as-tu abordé la composition de ces pièces?
Denis Plante : J’ai voulu respecter l’esprit d’origine, c’est-à-dire le fait que ce sont des danses! Les gavottes, les bourrées, les allemandes, les sarabandes, les gigues, et tout ça, c’était des rythmes de danse. Et ce focus s’est imposé dans ma tête quand j’ai commencé à me demander pourquoi je jouais du tango depuis si longtemps. Je me suis rappelé le choc positif que j’ai eu la première fois que j’ai entendu cette musique. Je viens d’une famille de musiciens, essentiellement classiques. J’ai moi-même fait des études classiques (en plus d’avoir joué pas mal de jazz et de pop) et les compositeurs que j’aimais le plus étaient Stravinsky, Ravel, Tchaïkovsky. Des compositeurs qui savaient donner du sens aux rythmes, et qui nous donnent envie de nous lever pour bouger. La découverte du tango m’avait bouleversé parce que j’étais fasciné par l’idée qu’en en jouant, je pouvais avoir le même effet sur le public! Le caractère dansant des Suites est devenu le cœur battant de mon approche.
Pan M 360 : S’agit-il de ‘’Suites de Bach tangoïsées’’ ou d’autre chose complètement?
Denis Plante : Autre chose, autre chose! J’ai cherché à apporter quelque chose de rafraîchissant, et de proposer une suite d’enchaînements qui présente différentes danses liées au tango pur, telle la milonga, comme un DJ qui imbrique des pièces différentes l’une dans l’autre de façon très fluide.
Pan M 360 : Il s’agit donc d’une fusion des langages musicaux. Quel type de fusion?
Denis Plante : Une fusion très inspirée de ce que faisait Piazzolla lui-même. Tu sais, dans ses tangos, il intégrait des passages fugués complexes, appuyés sur la rythmique propre au tango. Piazzolla adorait Bach. J’ai donc importé cet esprit, mais aussi sa façon très libre d’interpréter la mélodie. Je me suis aussi amusé à insérer quelques fragments des Suites dans mes compositions, des citations plus ou moins explicites, mais ça demeure très personnel. Je ne voulais surtout pas faire du pastiche.
Pan M 360 : Quelle place laisses-tu à l’improvisation?
Denis Plante : C’est assez parcimonieux. Dans le tango, la place de l’impro n’est pas comme dans le jazz. Ça ressemble plutôt au type d’improvisation qu’on pouvait faire à l’époque baroque, soit de l’ornementation sur une mélodie de base. J’ai respecté cette caractéristique.
Pan M 360 : Qu’as-tu appris en relevant ce ‘’défi’’?
Denis Plante : Ça va paraître bizarre, mais j’ai retrouvé des émotions puissantes que j’avais ressenties au tout début de ma carrière. En écrivant pour Stéphane, et connaissant son talent et la qualité de son expression musicale, je me suis senti comme les premières fois où j’ai touché un bandonéon : ce sentiment d’infinies possibilités créatives. Comme un enfant qui part avec sa pelle et son seau pour jouer dans son carré de sable! Une motivation originelle qui m’a ramené à une jeunesse maintenant plus lointaine. Récemment encore, je répétais avec Stéphane, et en terminant j’ai ressenti un frisson de satisfaction épatant. C’était fantastique! J’espère communiquer cela au public.
Pan M 360 : Merci pour cette belle entrevue, et meilleur succès pour ce très beau projet!
Denis Plante : Merci!