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Le Festival du monde arabe (FMA) présente le concert Au royaume du tarab, le 29 novembre, dans le cadre de son édition numérique 2020. Rencontre avec la chanteuse montréalaise Nidal Ibourk, amoureuse et passionnée d’un genre musical que les Occidentaux devraient mieux connaître, et surtout aimer !
PAN M 360 : Bonjour Nidal, qu’est-ce que le tarab ?
NIDAL IBOURK : Tarab est un mot arabe signifiant « extase ». Concrètement, c’est un style de musique arabe favorisant l’expression des sentiments et une certaine puissance évocatrice. En fait, toute musique arabe traditionnelle, qu’elle soit de type savant ou populaire, est du tarab. Ainsi, on peut dire que la majorité de la musique écrite et interprétée avant, disons, les années 1980, fait partie de la grande tradition tarab.
PAN M 360 : Qui sont les principaux interprètes de ce genre ?
NIDAL IBOURK : Il y a quelques grands noms à retenir : Oum Kalthoum, la grande chanteuse de l’âge d’or du tarab, Mohammed Abdel Wahab, surnommé le Stravinsky de la musique arabe, et Fairouz, sans doute l’artiste arabe de cette période la mieux connue en Occident. Il y a aussi Farid el Atrache, considéré comme l’un des musiciens les plus importants du tarab.
PAN M 360 : Peut-on faire des liens avec la musique occidentale ? Quel type d’artiste bien connu ici est comparable, pour son importance, à ces artistes dans le monde arabe ?
NIDAL IBOURK : Pensez à Frank Sinatra. Ou, du côté francophone, à Jacques Brel ou Charles Aznavour. On ne doit pas comparer le tarab avec la musique classique, comme Mozart ou Beethoven, mais plutôt avec la musique populaire de facture classique, largement orchestrée, très romantique et livrée avec une grande puissance expressive.
PAN M 360 : Le tarab est-il un style unique à travers les pays arabes ?
NIBAL IBOURK : Oh, il y a d’énormes différences ! Les Marocains ne font pas comme les Libanais, qui sont différents des Égyptiens, ou des Syriens, ou des Algériens, etc. Prenez la grande chanson française par rapport au Great American Songbook chanté par Sinatra, comme je le disais plus tôt. Il y a des similitudes dans l’esprit, mais dans les détails, il y a un monde de différence.
PAN M 360 : La jeune génération aime-t-elle cette musique ?
NIDAL IBOURK : C’est difficile. Les jeunes d’aujourd’hui ont beau avoir du respect pour le tarab, car c’est la musique de « leurs racines », ils n’en écoutent pas beaucoup. Les musiques pop, hip-hop, rock, etc. retiennent toute leur attention maintenant, mais c’est un phénomène planétaire. En Occident, les musiques traditionnelles, ou même la grande musique classique, se retrouvent de plus en plus marginalisées.
PAN M 360 : Parlez-moi du concert du 29 novembre dans le cadre du Festival du monde arabe (FMA), en quoi consiste le programme ?
NIDAL IBOURK : Le concert sera focalisé sur le répertoire des grandes voix masculines du tarab, Abdel Wahab, el Atrache, et plusieurs autres. Je chanterai avec Wissam Kamar, un artiste montréalais, ainsi qu’avec un orchestre formé des meilleurs interprètes du style, basés ici également. Il y a de très bons musiciens à Montréal. Cela dit, j’aimerais qu’il y ait davantage d’occasions de jouer cette musique ici. Le FMA fait du bon travail, et quelques autres organismes aussi, mais il faudrait plus de concerts durant toute l’année, et davantage de salles qui en programment aussi. J’aimerais bien participer au développement de cette scène à Montréal, dans un avenir post-COVID.
PAN M 360 : Vous aimeriez vivre de cet art ?
NIDAL IBOURK : Bien sûr ! Mais il faut être raisonnable. C’est difficile en temps normal, mais ça l’est encore plus en ce moment ! Je suis heureuse d’avoir mon emploi de coordonnatrice des programmes aux diplômés à l’Université McGill ! J’ai de nombreux amis dans la musique pour qui les temps sont vraiment très durs.
PAN M 360 : Eh bien, nous vous souhaitons le plus grand succès, pour le 29 et pour l’avenir aussi !
NIDAL IBOURK : Merci beaucoup.