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Le 17 mars dernier, après avoir sorti deux EP dans la dernière année, Anna Valsk sortait son premier album Morphologies, pour lequel elle a joué les rôles d’autrice, compositrice, interprète ainsi que réalisatrice. Son projet nous emmène dans un véhicule musical spacieux, ayant pour but l’exploration du changement des saisons et de leurs effets. Les chansons nous emportent à travers un cycle des saisons entier, de l’hiver à l’automne, avec le concert de sonorités du folk, de l’électro et de quelques détours expérimentaux. C’est un album délicat mais fort, qui s’avère un bon compagnon de voyage à travers le temps et les paysages ici fréquentés. Pour en savoir plus sur cet album, qui laisse paraître une démarche et un travail passionnés, PAN M 360 s’est entretenu avec l’artiste, de son vrai nom Ariane Vaillancourt.
PAN M 360 : Morphologies est-il un projet qui vient de loin? Quand l’idée vous est-elle apparue?
Anna Valsk : Je dirais qu’en tout, ça a pris environ 3 ans. Ça faisait longtemps que j’avais une image floue du projet, et cette image a pris un certain temps avant de se définir et de montrer sa direction. Quand j’ai eu l’idée du cycle des saisons et du cycle en général, j’ai vraiment pu embarquer dans la production.
PAN M 360 : Et cette idée du cycle, est-elle venue soudainement ou vous habitait-elle déjà?
Anna Valsk : Avant la pandémie, mon partenaire et moi, nous sommes allés habiter dans une petite maison dans Lanaudière. Là-bas, on dirait que les saisons sont plus intensifiées. Personnellement, je sais depuis longtemps que les changements de saisons m’affectent. Ils affectent tout le monde, mais collectivement on trouve ça normal. J’avais donc envie d’observer les effets de ces changements sur soi et sur ce qu’on ressent autour. On peut aussi parler du cycle des saisons d’une vie, qui changent à travers les décennies. Bref, c’est une grande source d’inspiration… une source infinie (rires).
PAN M 360 : Le thème de l’eau est très présent dans votre album. Étiez-vous près d’un ruisseau, d’un lac?
Anna Valsk : Oui, dans Lanaudière, j’étais dans le bois, mais aussi au bord de l’eau! L’eau, c’est quelque chose qui me fascine depuis toujours. Le concept d’hydrothérapie, l’idée que l’eau peut être régénératrice. Par exemple, j’adore les bains froids, et j’ai hâte que les lacs commencent à dégeler pour aller faire ma première baignade. L’eau froide, c’est bon pour le corps et pour l’esprit.
PAN M 360 : Au niveau du son, aussi, l’eau peut être une sorte de bruit blanc. Beaucoup s’endorment sur des sons de pluie, de rivière, de chute.
Anna Valsk : Oui. Justement, dans Wash your soul, je dis « Et toi, tu rêves au bruit de l’eau ». Le printemps, c’est le bruit de l’eau qui revient. C’est très rassurant… Je suis passionnée par l’eau! (rires)
PAN M 360 : Vos textes sur l’album semblent très travaillés, et les structures des chansons aussi. Les textes sont-ils venus avant la musique?
Anna Valsk : Je commence toujours (ou principalement) avec la musique. Mais souvent, dans la musique, il y a des mots qui ressortent. Il faut que ça coule. Il faut que les mots arrivent avec la musique. Pour moi, quand la musique d’une chanson se clarifie, ça signifie que son thème se clarifie aussi. Ce que j’ai à dire, je le fais musicalement, et ensuite je viens l’appuyer avec des mots.
PAN M 360 : Faire un album sur les saisons et ce qu’elles nous font ressentir relève des affects. Ce côté se transposait-il dans votre démarche? Approchiez-vous la musique par la théorie ou plutôt par ses propriétés qualitatives ?
Anna Valsk : Je pense que oui. Si j’ai à écrire un arrangement, je le vois vraiment comme une texture ou une couleur. Par exemple, pour la chanson Jamais, j’avais une image en tête d’un matin d’été humide et orangé, où le soleil traverse une fenêtre et où il y a deux personnes couchées dans un lit, et dont on peut sentir la peau perler. En composant la musique, je voulais qu’on se sente dans cet endroit. Donc oui, je travaille beaucoup avec les textures, couleurs et sensations.
PAN M 360 : Vous avez pris en charge la réalisation de votre album. Deviez-vous changer d’attitude face à vos créations lorsque vous passiez de votre rôle d’autrice-compositrice-interprète à celui de réalisatrice?
Anna Valsk : Ça a vacillé. Parfois, je me sentais plus réalisatrice, d’autres fois, j’étais plutôt auteure-compositrice. C’est difficile d’avoir du recul sur sa propre musique, sa propre voix, sa propre interprétation. Au départ, c’est Pierre Girard, qui a mixé l’album, qui m’a encouragée à le faire moi-même. J’avais la direction, j’avais la vision, alors je me suis lancée. Mais ça a apporté son lot de défis. Ça devient difficile de délimiter viennent en tête des questions comme « Est-ce la compositrice ou la réalisatrice qui parle? » Au final, peu importe, elles sont toutes la même personne, et je pense que ça transparaît.
PAN M 360 : Y avait-il d’autres musiques qui vous guidaient durant la création de l’album?
Anna Valsk : C’est sûr que toute la musique que j’écoute m’habite. Je crois aussi que mes influences sont assez claires : j’ai toujours aimé le monde imaginaire et musical de Patrick Watson. Ce que j’aime de ses albums, c’est la cohésion du début à la fin, comme prendre une longue marche. Je voulais que mon album s’écoute un peu comme cela, du début à la fin comme une aventure, une histoire. J’écoute aussi beaucoup de musique classique, car j’aime les textures des instruments. L’électro, j’adore quand elle est mélangée avec le vrai, ça devient comme un personnage. Sinon, le dernier album de Chloé Lacasse m’a beaucoup touchée. J’aime aussi Le ciel est au plancher de Louis-Jean Cormier. C’est un album avec beaucoup d’espace, et c’était quelque chose que je voulais d’entrée de jeu pour mon album; je voulais laisser respirer la musique et inclure des transitions intéressantes.
PAN M 360 : Voyez-vous votre projet comme un album « concept »? Que pensez-vous de cet exercice? Est-ce plutôt un carcan ou un exercice de créativité pour vous?
Anna Valsk : Je le vois plutôt comme un cadre à défaire. Pour tenir mon image, il fallait un cadre. Mon cadre, c’était mon concept. Ça m’a aidée à recueillir mes idées. Après, j’espère que les gens, quand ils écoutent l’album, ne pensent pas qu’au « concept », ne cherchent pas trop à intellectualiser la chose. C’est davantage un prétexte pour moi, une ligne directrice, un mantra.
PAN M 360 : Merci Anna!