Sur le seuil de la porte de la Sala Rossa, on apprenait que les USA venaient de bombarder les installations nucléaires d’Iran. Qu’adviendrait-il alors de cette région? Outre les populations iranienne et israélienne, pourraient en souffrir tous les pays limitrophes de l’Iran où se trouvent des communautés chiites comme l’Irak ou le Liban ? Leurs habitants en seraient-ils les victimes majoritairement innocentes, quelle que soit leur position sur ces conflits et leur capacité d’agir sur leur destin ? C’est dans cette profonde anxiété que les artistes du groupe beyrouthin Sanan, vivent et créent quotidiennement.
Et ça vient de monter d’un cran.
Samedi, toutefois, ces artistes ont reçu beaucoup d’amour et en ont transmis tout autant, avant de rentrer chez eux et y affronter de nouveau cette immense adversité.
Sandy Chamoun, la chanteuse de Sanam, s’avère une authentique frontwoman, racée, éloquente, théâtrale, très ancrée dans le rock (post-rock, en fait) et dans une arabité résolument contemporaine. Incantations, déclamations, chant rock, entre autres avenues de cette expression vocale. La performance de la chanteuse ne cesse d’osciller entre l’expression dramatique de ces grandes mélopées, tributaires des chants sacrés et classiques arabes que s’étaient appropriés les super divas arabes des générations précédentes.
Derrière Sandy Chamoun, il y a des guitares très rock et souvent très saturées (Anthony Sayoun, Marwan Tohme), il y a du bouzouk acoustique (Farah Kaddour) qui nous garde aussi scotchés aux traditions moyen-orientales et maghrébine (en plus de la voix de la soliste), il y a de la batterie solidement exécutée, puisant dans les rythmes traditionnels et dans le rock occidental, il y a aussi de riches compléments électroniques, dont ceux d’un synthé modulaire participant aux bourdons nécessaires à l’expression du Levant dans un contexte expérimental d’attitude rock.
À peu près impossible de ne pas être subjugués dans une telle ambiance. Également impossible de ne pas applaudir cette nouvelle signature du label montréalais Constellation : troisième de Sanam, l’album Sametou Sawtan sera rendu public en septembre prochain.
Merci à notre ami Radwan Ghazi Moumneh, copropriétaire du studio Hotel2Tango, maître du projet Jerusalem in my Heart, instigateur de cette rencontre entre Sanam et son public montréalais dans le contexte des Suoni. D’entrée de jeu, il nous a balancé tout un sermon sur fond de drone, de mots scandés ou chantés, d’extrême saturation, de tradition, de passion tragique.
Nous étions là, au cœur de l’expression arabe en ce 21 juin 2025, ce soir où les choses ont sérieusement empiré là où vous savez.