Hier soir, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, avait lieu la création canadienne de Searching for Goya, une chorégraphie existentielle à base de flamenco classique, surtout, mais aussi de danse moderne et d’un peu de ballet. Les Productions Nuits d’Afrique nous ont fait une fleur (une rose dans les cheveux, assurément!) en invitant la compagnie new-yorkaise Soledad Barrio et Noche flamenca à venir présenter son specacle à Montréal, peu de temps après la première réalisée à Seattle il y a quelque semaines.
Crédit photo : Peter Graham
Searching for Goya est inspiré, vous l’aurez deviné, de l’art de Francisco de Goya (1746-1828), immense peintre espagnol qui révolutionna la peinture à son époque et demeure aujourd’hui l’un des plus grands artistes visuels de tous les temps. Encore de nos jours, son art viscéral, parfois explosif, son propos et son style demeurent totalement modernes et visionnaires, sans avoir pris une seule ride.
Cela dit, si vous n’êtes pas spécialiste de Goya, vous devrez, à l’instar du titre, chercher Goya dans la chorégraphie. La présence du peintre et de son œuvre restent en filigrane, comme un fantôme, une présence sublimée plutôt qu’exposée, bien que quelques passages soient plus évidents. Qu’à cela ne tienne, ce détail n’est finalement pas déterminant, car la force émotive irrépressible qui se dégage de l’œuvre scénique de la danseuse Soledad Barrio et du metteur en scène Martin Santangelo submerge le spectateur. Nous sommes happés par un flamenco à la fois arrimé dans la tradition et dans une vision expansive où la danse moderne et le symbolisme viennent s’attacher de façon holistique.
Un décor presque nu, avec peu d’accessoires si ce ne sont quelques chaises, des costumes épurés, agrémentés de quelques rares ajouts, comme ces ailes (d’ange?) aperçues au début et à la toute fin de la pièce. Aucune projection de tableaux ou gravures de Goya. Il ne s’agit pas d’une expo-pop dans le genre à la mode actuellement. On est ailleurs. Dans le non-dit, dans l’allusion, dans une profondeur qui réclame concentration de la part du spectateur.
Modo de volar (1819) et Le vol des sorcières (1798), Francisco de Goya
Mais finalement, c’est le flamenco qui dit tout. Et la performance des quelque 13 artistes sur scène est à la hauteur. Époustouflante de perfection rythmique, de cohérence et coordination d’ensemble, d’expressivité incandescente, sensoriellement incendiaire. Jamais de décalage entre les coups de pieds, les clappements, les attaques de guitares. Tout est réglé au quart de tour, à la fraction de seconde près. On reste pantois.
On aurait peut-être pu profiter de surtitres, pour associer ce que l’on voit avec ce que l’on entend, chanté ou scandé. C’est la seule nuance que j’apporterai à l’appréciation de ce spectacle unique et original. Si on n’est pas un connaisseur de Goya, ou si on ne parle pas espagnol, ou les deux, on ne peut aller au bout de la totalité de cette expérience. C’est dire la qualité de Searching for Goya, si, malgré ces carences, le spectateur lambda en ressortira ravi et fortement impressionné.
Crédit photo : Peter Graham