Fin février, Rafael Payare n’aurait certainement pas gagné un prix de direction d’orchestre avec la molle exécution de la Symphonie no 4 de Bruckner. Très moyenne seconde partie de programme, avons-nous conclu au sortir de la Maison Symphonique, avant d’y retourner en ce premier mercredi de mars, soit pour un programme sans soliste invité avec deux symphonies au programme : la 1ère de Beethoven et la 8ème de Chostakovitch.
Le plat de résistance portait justement sur la : la 8e des 15 symphonies du compositeur russe, un chef d’œuvre absolu. En 1943, Dmitri Chostakovitch avait complété l’écriture de cette fabuleuse symphonie dans un esprit de profonde tristesse et de souffrance humaine dans une Union Soviétique éprouvée par les armées nazies ayant à peine remporté contre toute attente la bataille de Stalingrad et pas encore sortie du siège de Leningrad (Saint Pétersbourg). Jugée trop grave, trop sombre, pas assez optimiste et triomphante selon les critiques patentés du régime stalinien, cette symphonie fut mise à l’index pendant de nombreuses années pour être réhabilitée en 1956, soit 3 ans après la mort du dictateur.
Toutes les caractéristiques de cette œuvre magistrale ont été exprimées avec rigueur et passion par l’OSM et son maestro Rafael Payare. La gravité des cordes de son fameux premier mouvement et ses oppositions dans le registre aigu ont dressé la nappe de cette évocation tragique.
Depuis un moment, Chostakovitch avait alors acquis sa pleine maturité compositionnelle, son génie s’exprimait très clairement dans cette symphonie où la modernité de l’harmonisation orchestrale trouvait un équilibre idéal avec le langage romantique l’ayant précédé. De plus, le choix d’un solo de cor anglais, presque frêle, durant ce premier mouvement est intéressant car il exprime le deuil et la souffrance plutôt que la flamboyance et la résilience du peuple russe. Contrairement aux usages compositionnels de l’époque, la violence tangible de cette 8e symphonie (percussions tonitruantes, cordes frénétiques, cuivres martiaux, etc.) se déploie en un relatif décrescendo au 5e mouvement (allegretto, avec soubresauts!) qui se conclut dans le calme, la méditation, le recueillement. Sans pouvoir l’affirmer à l’époque où il devait marcher sur des œufs afin de poursuivre son œuvre et éviter l’élimination par le régime autoritaire.
En première partie de programme, l’OSM aura exécuté rondement une 1re Symphonie de Beethoven, dont le 3e mouvement est annonciateur de sa révolution orchestrale au tournant du 19e siècle. Superbement exécuté, ce mouvement tranche très clairement avec les autres qui tiennent davantage de la synthèse historique et laissent présager le génie orchestral de Ludwig van à venir dans ses 8 autres symphonies.