L’Orchestre Métropolitain jouait dimanche la symphonie inachevée d’Anton Bruckner (1824-1896), soit la neuvième dont il n’avait pu écrire une version satisfaisante du dernier mouvement après avoir tenté plusieurs esquisses parce que très malade et « dépassé par son propre génie », c’est-à-dire incapable de conclure sur des mouvements aussi forts, particulièrement le scherzo, soit le 2e, « tellement imposant, d’une force viscérale tellurique », pour reprendre les épithètes de Yannick Nézet-Séguin, avant qu’il nous explique l’ajout du Te Deum, une œuvre chorale de Bruckner, en guise de complément à la symphonie, selon une suggestion de son concepteur.
« S’il y a un compositeur qui a accompagné l’orchestre, c’est Bruckner », soulignera le maestro québécois dans son laïus d’entrée. YNS avait dirigé cette 9ème du compositeur pour une première fois en 2002, puis en 2009 dans le contexte d’un vaste projet d’enregistrements de toutes les symphonies de Bruckner, dont l’accomplissement fut étalé de 2006 à 2017, avec le succès critique qu’on connaît.
Le programme d’ouverture est une « cérémonie » sans applaudissements, sans pause. La 9e de Bruckner était ainsi enrobée du Te Deum à la fin et au début, comme c’est le cas depuis quelques années d’une composition auotchtone de l’artiste cri Andrew Balfour, Mamachimowin. Selon les dires du compositeur, cette œuvre chorale et orchestrale de 6 minutes exprime la relation difficile entre la spiritualité des nations autochtones et l’influence de la religion catholiques sur ces peuples malmenés par les Occidentaux venus s’établir dans les Amériques. Relation éminemment éminemment coloniale du conquérant français, monothéiste, sur le polythéisme et le chamanisme autochtones jugés primitifs par les Européens.
Ainsi, cette œuvre contemporaine d’allure spectrale était un choix judicieux pour introduire la symphonie inachevée. On peut aisément affirmer que Bruckner est un répertoire signature pour l’OM et son chef, son exécution était dimanche exemplaire. Une vaste part du premier mouvement et l’entier deuxième mouvement révèlent effectivement une densité et une puissance hors du commun, assurément parmi les plus remarquables accomplissements de la musique symphonique au 19e siècle. Les cors, trombones et trompettes confèrent une telle force au discours orchestral de Bruckner. En fin de parcours, cet homme humble et pieux avait été inspiré au point de préfigurer la suite des choses, s’autorisant une audace harmonique presque moderne, pavant la voie à ses successeurs à commencer par Gustav Mahler.
Obéissant aux consignes du chef, public aura été exemplaire, silencieux jusqu’à la fin de cette heure et demie de recueillement. Seule ombre à ce tableau magistral, les solistes assis avec le choeur pour l’exécution du Te Deum; tout au fond derrière l’orchestre, les voix du ténor Limmie Puliam (surtout), de la mezzo Jennifer Johnson Cano et de la basse Ryan Speedo Green voyageaient difficilement dans l’espace, contrairement à celle de la soprano Latonia Moore qui le fendait comme il se doit.
crédit photo: François Goupil pour l’OM