Le Club Soda affichait complet samedi soir, bondé de bons vivants nostalgiques prêts à mourir pour le Canada.
Mononc’ Serge a donné le coup d’envoi de cette soirée canadienne en surgissant au son du thrash metal de La ligue du vieux pouèl, traînant derrière lui son soluté. Aux côtés d’Anonymus, il roule sa bosse depuis assez longtemps pour ne plus faire partie du club des jeunes métalleux — il affirme quand même que vieillir en vétéran du métal, c’est fondamentalement ringard. Avant même d’entamer ses habituelles moqueries affectueuses envers le public, Mononc’ donne le ton : ici, l’autodérision règne en maître.
Le public, d’abord un brin timide, comme en phase d’observation, s’est vite fait secouer par Anonymus. Une invitation au circle pit bien sentie d’Oscar Souto, le bassiste, a su briser la glace. L’appel n’est pas resté lettre morte. Une onde d’adhésion a rapidement gagné la salle. Le cercle s’est formé, et la foule, jusque-là statique, s’est soudainement animée par une énergie fédérale galvanisante.
Certains spectateurs incarnaient malgré eux la parodie qu’on leur tendait en miroir — on aurait dit que les fûts du Club Soda avaient tous été siphonnés avant le rappel. L’âge de bière ne serait pas aussi jouissif sans la traditionnelle « pêche au moron », où Mononc’ désigne un fan aussi assoiffé qu’échauffé — souvent déjà éméché, parfois carrément instable. On a fait ensuite monter ce poulain sur scène pour une chorégraphie bancale, avant qu’il ne cale sa bière sous les acclamations de la foule.
Hommage aux hommages s’est imposé comme l’un des moments forts de la soirée. Avec un texte à double fond, la pièce moque la manie bien contemporaine de multiplier les tributs, les saluts, les hommages et célébrations posthumes à outrance. Le thème est délicieusement ironique, porté par la ligne mémorable : « On a mis quelqu’un au monde / On devrait peut-être lui rendre hommage. »Plus de vingt ans après L’Académie du massacre, perçu comme improbable initialement, ce mariage entre Mononc’ Serge et Anonymus reste d’une solidité impressionnante sur scène. Une symbiose qui ne s’essouffle pas.