Cette artiste hors du commun fut de la vague punk au Japon, fin des années 70, après quoi elle n’a cessé d’élever ses propositions artistiques. Quatre décennies plus tard, Phew offrait sa première prestation à Montréal devant un public restreint. À l’évidence, sa réputation internationale n’avait pas atteint Montréal avant sa venue. Souhaitons aux mélomanes qu’elle revienne car ce qu’on a pu entendre au festival FLUX, mercredi à la Sala Rossa, fut une prestation de maître.
Cette femme sans âge (officiellement 65 ans) nous a convié à un récit sonore amorcé par de douces vocalises couchées sur fond électronique. Cette amorce ambient, fantômatique, spectrale, onirique, nous a doucement menés vers une intensification des fréquences sonores et vers l’introduction de rythmes de synthèse puisés la culture populaire (techno, reggaeton, jungle, drum’n’bass) et transformés par la compositrice de manière à ce qu’on n’établisse pas de lien direct. Voilà la marque des meilleurs qui savent transformer les citations.
Des rythmes de plus en plus appuyés ont alors ponctué les constructions mises en place. En temps réel, la surimpression simultanée de plusieurs sources (beats et préenregistrements traités) impliquait un son global de plus en plus intense, maelstrom ponctué d’une pétarade de klaxons, voix d’outre-tombe, mitrailles percussives, sons industriels. Cette fascinante chappe de sons s’est alourdie et atteint un pic au son d’un réacteur avant de faire marche arrière. Allègement, élévation, évaporation, presque silence. Le rythme devient minimaliste, le tempo devient plus lent qu’un battement cardiaque, des sons relativement discrets s’invitent, des mélopées de cordes flottent au-dessus, la voix de Phew réémerge. La descente se poursuit par des clapotis de notes de claviers traités, puis de percussions légères exécutées sur des métriques minimalistes, le tout à nouveau enrobé de sons fantômatiques.
Pour la finale, elle avait prévu une remontée d’intensité, un retour à des rythmes plus forts, plus complexes et plus rapides, à des sons vents orageux qui culminent en tornades. Contre toute attente, des accords de piano (synthétique) accompagnent la voix de Phew, la machine volante se pose sur le sol au son d’une balade proche de la complainte.
Du grand art, assurément.