Bien évidemment, on ne peut exiger d’un trompettiste de 82 ans qu’il embrase son public de charges explosives. De Wadada Leo Smith, on doit plutôt s’attendre à un jeu sage et circonspect, ce qui n’exclut aucunement l’accueil de l’inspiration en temps réel… et même quelques pétarades insoupçonnées.
Dans une salle remplie à capacité, les adopteurs précoces du festival FLUX ont eu droit à une performance d’une cinquantaine de minutes, sobre performance incluant quelques allocutions ad lib du notre hôte sur le contexte de ce duo et le sens de la vie en général. Tant qu’à y être!
En interview il y a quelques jours, le vénérable musicien afro-américain avait promis la recréation d’un enregistrement réalisé en tandem avec la pianiste afro-américaine Claudine Myers, soit l’album intitulé Central Park Mosaiks of Reservoir, Lake, Paths and Gardens, inspiré de ses expériences contemplatives dans ce vaste parc urbain achevé en 1873 sous la gouverne de l’architecte paysagiste Frederick Law Olmsted – le même ayant créé le parc montréalais du Mont-Royal (1876), aussi l’un des plus beaux sur le continent nord-américain.
Ainsi donc, on peut parler d’une conversation courtoise, polie et relativement brève entre Wadada Leo Smith et son interlocutrice, l’Helvète Sylvie Courvoisier.
Quant au soliste principal, ce pourquoi nous étions là, il est encore capable d’atteindre beauté, nul doute. Oui, il est difficile de déterminer clairement si ses notes longuement tenues cassent involontairement ou bien s’il s’agit d’un effet de style volontairement exécuté, mais bon… l’impression générale de ce discours demeure intéressante, il faut réagir spontanément à cette approche n’obéissat à aucune loi sur la meillleure manière de jouer la trompette selon les critères classiques ou jazz.
Il y a certes un discours propre de Wadada Leo Smith, le vénérable souffleur a encore cette capacité d’accéder avec puissance aux fréquences élévées et autres effets techniques relativement exigeants. La vaste expérience du musicien compense largement son déclin technique à peine amorcé.
Dans ce contexte subtil et délicat, la pianiste suisse Sylvie Courvoisier se trouvait à camper l’autre moitié du tandem. Elle a opté pour un accompagnement minimaliste et respectueux du jeu de son aîné. Visiblement, ce n’était pas pour elle l’occasion de déployer l’articulation dont est capable. La lenteur de l’exécution en tandem menait plutôt cette excellente musicienne à l’exposition d’accords complémentaires au discours mélodique de Wadada, mais aussi à la production d’effets brillants via les notes pincées sur les cordes – de cet instrument plutôt ingrat qu’est le piano de la Sala Rossa. Néanmoins on a pu observer toute la subtilité de la musicienne, experte dans l’art du piano préparé et de son usage en temps réel.
On en aurait pris davantage mais bon… restons polis face a un octogénaire qui a décidé que les choses seraient ainsi.