La quarantième présentation du Festival international de musique actuelle de Victoriaville s’est conclue le dimanche 19 mai au Carré 150, au terme d’un ultime concert donné par l’ensemble du guitariste scandinave Kim Myhr. Si cette nouvelle mouture du FIMAV avec Scott Thomson à la barre a attiré moins de mélomanes que l’an dernier, ce qui était largement prévisible (le facteur John Zorn y fut déterminant, tout comme le départ de Michel Levasseur, son fondateur), la nouvelle direction artistique a offert dans l’ensemble une proposition solide, de fort belle tenue, comportant bien assez de beauté et de substance pour que l’impression de satisfaction domine au retour à la maison.
Allons-y d’abord pour un résumé du 16 mai.
Le Double, Stéphane Diamantakiou
Bassiste et compositeur français transplanté à Joliette, Stéphane Diamantakiou a réuni des musiciens des quatres coins du Québec pour constituer le projet Le Double : Geneviève Gauthier, saxophones, Sébastien Sauvageau, guitares et synthés, Sébastien Delorme, guitare, Scott Bevins, trompette et électroniques, Davî Simard, électroniques. On annonçait au départ une forme de post-rock-jazz-électro, on a eu droit à une séance d’improvisation qui laissait percevoir des formes embryonnaires de compositions, mais sans plus. On aura apprécié certaines performances individuelles, mais l’ensemble de cette performance était plus proche d’un atelier plaisant pour ses participants que d’un tout cohérent et achevé pour les mélomanes plus exigeants.
Quatuor Bozzini et Jürg Frey
Jürg Frey entretient un lien privilégié avec le Quatuor Bozzini pour l’interprétation de ses œuvres. Avec raison ! Cette fois, le compositeur suisse et ses interprètes se surpassent avec le Quatuor à cordes No.4, un discours minimaliste d’une sensualité exceptionnelle et d’une grande profondeur texturale. Les structures rythmiques sont extrêmement simples, les variations harmoniques sont simples, les lignes mélodiques tout autant. La subtilité de cette œuvre au calme apparent qui se déroule lentement et sûrement, en fait, se trouve dans les timbres et la tension maintenue entre les cordes. Le discours collectif y est plus que cohérent, on y ressent la transcendance d’une œuvre parfaitement maîtrisée. Sans conteste l’un des grands moments de ce 40e FIMAV. Bravo à Isabelle Bozzini, violoncelle, Stéphanie Bozzini, alto, Clemens Merkel, violon, Alyssa Chung, violon.
Basileus de Pascal Germain Berardi
Il y a beaucoup de choses à dire sur Basileus, le seul programme ayant fait salle comble au 40e FIMAV. Il s’agit d’un oratorio en 4 actes composé par Pascal Germain-Berardi et dont le livret est signé Sébastien Johnson, le tout mis en scène par Marie-Ève Groulx. Ensemble de cuivres (Horizon), ensemble de guitares classiques (Forestare), ensemble de percussions (Sixtrum), choeur de hurleurs métal (Growlers Choir), trois guitares électriques, six contrebasses, trois chanteurs solistes (Sarah Albu, la Matriarche, Charlotte Gagnon, Ades, Dominic Lorange, Ades). En voici la trame dramatique: “À la base, il s’agit d’un drame familial se déroulant dans une époque violente. Ses protagonistes ont soif d’honneur, de liberté et de domination. Cette tragédie de lignée et d’anxiété des origines met en vedette quatre personnages, tous parents, qui cherchent à s’affranchir du passé, tout en étant en quête de liberté personnelle et de responsabilité collective.”
Que signifie tout cela ? Il faudrait lire attentivement le livret pour en tirer des conclusions éclairées, car ce qu’on en a su avec les éléments de texte projetés au-dessus de l’orchestre laissaient l’impression de messages cryptés, sortes de paraboles ouvertes à moult interprétations. On devine qu’il s’agit d’un conte arthurien, inspiré des trames narratives des contes nordiques moyen-âgeux comme le sont tant de romans fantastiques ou de science-fiction. On sait également que les artistes liés aux styles métal et prog aiment bien cet imaginaire arthurien, qui faisait son entrée jeudi dans l’univers des musiques dites actuelles. Entrée peu convaincante car plusieurs observateurs ont spontanément réprouvé ce discours apparemment jugé pompeux et mal ficelé.
Tournons-nous plutôt vers les découvertes musicales au programme, franchement visionnaires: le lien entre chant classique et hurlements métal, entre guitares électriques et classiques (à cordes de nylon), entre les percussions et les instruments à vent. On assistait aux premiers balbutiements de nouvelles formes orchestrales à grand déploiement, encore imparfaites mais prometteuses. Les orchestres symphoniques de l’avenir ne seront pas toujours constitués comme ils le sont aujourd’hui, nous en avions jeudi un exemple annonciateur. Voilà pourquoi Pascal Germain-Berardi doit impérativement poursuivre sa route jusqu’à la confection d’œuvres irréprochables en ce sens. À l’évidence, il a trouvé un bon filon.