École de musique Schulich | Pleins feux sur les compositrices à McGill

par Frédéric Cardin

C’est une soirée musicale placée sous le signe de la féminité, disons même du féminisme, à laquelle il nous a été donné d’assister samedi soir dernier, le 13 janvier, à la salle Pollack de l’Université McGill. Mais, bien au-delà de ces catégories sommes toutes réductrices, ce fut avant tout une très belle soirée de grande musique, interprétée par des artistes de haute volée, professeures et étudiant, témoignant encore une fois du très haut niveau de qualité de cette école de musique parmi les meilleures en Amérique. 

Au programme et en ordre chronologique inversé, nous avons entendu le Trio pour piano en la mineur, opus 150 (1938) d’Amy Beach, le Trio pour piano no1 en sol mineur, opus 11 (1881) de Cécile Chaminade et le Trio pour piano en ré mineur, opus 11 (1847) de Fanny Mendelssohn. Un panorama élargi de l’acte compositionnel féminin, non seulement en termes temporels, mais aussi géographiques (une Étatsunienne, une Française et une Allemande) et stylistiques.

Amy Beach déploie des trésors de couleurs et de textures dans son Trio, solidement charpenté de façon classique, mais témoignant d’un tempérament romantique et manifestant des velléités stylistiques non seulement impressionnistes, mais aussi, dans le mouvement final, un stimulant Allegro con brio, des clins d’oeil discrets mais notables au jazz et au folklore étatsunien. Le tout a été rendu avec force et conviction par les artistes, Violaine Melançon au violon, Joshua Morris au violoncelle et Kyoko Hashimoto au piano.

Contrairement au Trio de Beach, une œuvre de maturité (en vérité la dernière pièce de musique de chambre de la compositrice), le Trio de Cécile Chaminade est une œuvre de jeunesse, sa toute première pour formation chambriste. Chez la jeune Chaminade (elle avait 24 ans), beaucoup de lumière, avec des phrasés déployés de façon très limpide et dessinés à la pointe fine. Une musique très française en somme. On y entend des passages à la fois délicats et virtuoses que Fauré aurait été fier d’avoir écrits. Ailleurs, c’est Schumann qui aurait apprécié les tournures mélodiques. Même si l’espace sonore créé par le trio dans son ensemble était un peu plus dense et charnu que souhaité dans ce genre de musique, on doit tout de même noter l’impeccable technique de chaque artiste et l’écoute attentive de chacun vis-à-vis des autres. Je remarque en particulier un scintillant jeu de piano de Kyoko Hashimoto. 

Finalement, le concert s’est terminé par le Trio, éminemment romantique, de Fanny Mendelssohn, encore ici, une œuvre de maturité de la compositrice (même si elle était encore jeune, elle devait mourir peu après). Rien à envier à frérot Félix, ou à n’importe quel mâle de l’époque. Rempli de mélodies engageantes et d’affects à la fois très personnels et finement contrôlés, il s’agit d’un authentique chef-d’œuvre du Romantisme allemand. La lecture des représentants de McGill fut à la hauteur d’une soirée qui se terminait ainsi avec brio et surtout une immense satisfaction. 

En 2024, nous avons désormais la grande chance d’apprécier de plus en plus régulièrement ce genre de bijoux musicaux, trop longtemps éclipsé par la mauvaise foi et les préjugés stupides d’une gente masculine jalouse de ses prérogatives et des ses privilèges auto-proclamés et accordés. Tant pis pour ces imbéciles qui n’ont jamais su reconnaître l’immense valeur de cette musique par le passé (mais dommage pour ces femmes qui en ont pâti…). Justice commence enfin à être rendue, non seulement pour la musique, mais particulièrement pour les mélomanes que nous sommes!  

Pour la programmation complète de l’École de musique Schulich, c’est ICI!

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