Le Liban, un territoire au chassé-croisé des Phéniciens, des Arabes et de sa diversité ethno-religieuse, qui se manifeste dans l’Histoire telle une épopée lyrique et dramatique. Teinté de richesse et de beauté, ce pays vit aussi une tragédie sans nom depuis plusieurs décennies comme la guerre civile, la crise économique et l’instabilité régionale. Actuellement, on estime la diaspora libanaise à environ 12 millions d’individus dans le monde.
Wake Island explore cette question dans un triptyque comprenant une performance immersive en direct, une expérience d’écoute audio spatiale et un jeu vidéo de rôle.
En effet, Philippe Manasseh et Nadim Maghzal se sont associés à une équipe de créateurs médiatiques pour ré-inventer une nouvelle formule de leur album Born to Leave, paru en 2021, en un jeu 3D, centré sur les thèmes de l’immigration et de l’identité arabe ainsi qu’avec l’artiste, Radwan Ghazi Moumneh, afin de revisiter la conception sonore.
Le mixage spatial est en écoute dans l’Habitat sonore et se décline en 9 pièces.
1. Habitat sonore. du 1er mai au 7 mai. Mixage spatial de l’album.
Plongées dans la pénombre d’une salle immersive, pourvue d’une installation multicanaux, au son d’une perfection troublante, les conditions d’écoute sont plus qu’optimales. La musique vous transcende de toute part avec un subtile mélange de scénario digne d’une ambiance cinématographique telle que Dune et d’une ambiance électronique typique des performances immersives. On ressent plus que jamais la synthèse de deux entités: la narration de Wake Island et la mise en abîme sonore de Radwan: bouzouk, synthé, guitare électrique, pédale d’effet, vrombissement, son en echo, en spirale ou en résonance, voix lointaines, sensation d’un vent soufflant sur le sable, murs tremblant et détonation, basses profondes. À vivre absolument !
2. Jeu vidéo à jeu de rôle avec la bande son de l’album présenté le 3 mai.
Dans des alcôves pourvues de coussins, plusieurs Ipads sont disposés pour accéder au jeu vidéo. Celui-ci consiste en un jeu de rôle où vous, le joueur, êtes plongé dans un vol Beyrouth-Montréal en phase d’atterrir à l’aéroport international Pierre-Elliott Trudeau. Vous rencontrez plusieurs personnages comme Maha, Bahia ou les agents de l’immigration canadienne ainsi que les deux personnages énigmatiques de Wake Island. Doublé d’un jeu de piste, plusieurs questions vous sont posées et chaque
réponse vous emmène vers la résolution d’une intrigue. Le décor est composé de visuels en 3D. Les scènes s’assimilent à des hallucinations psychédéliques sur fond de bande son de l’album et de crise politico-économique du Liban. Laissez-vous prendre au jeu !
3. le 3 mai. Performance immersive en direct avec Wake Island et Radwan Ghazi Moumneh + installation vidéo de Giotto remixant les visuels du jeu en 3D
Sublime. Méditative. Envoûtante: une performance en direct digne d’une tragédie grecque des temps modernes. Dans la salle d’écoute, les artistes formaient un triptyque où le plateau se composait de synthés, ouds, guitare électrique, cithare, claviers et contrôleurs ableton ainsi que des pédales d’effets. L’installation et la conception s’assimilaient à une tragédie grecque antique mettant en scène des personnages illustres déchirés par des passions ou accablés par le destin. La trame sonore illustrait bien les pistes de l’album revisité mais se distinguait de l’écoute en salle immersive. La volonté était d’en faire clairement une expérience unique et ce fut une réussite! Les actes -exposition, rising action, climax, falling action-dénouement se sont déclinées sur une durée de 60 minutes environ. Nadim, Philippe et Radwan, les trois protagonistes, ont su captiver le public dans une prestation grandiose sur une scène ouverte circulaire, encerclée par le public. Les “musiciens-comédiens” se partageaient tous les rôles. La catharsis résidait dans le fil conducteur instillé par une nappe extrêmement vaporeuse et en répétition continue. Les chansons se succédaient pour mettre en exergue cette tragédie ‘libanaise” qui se jouait sous nos yeux et nos oreilles imprégnées d’une immense intensité poétique. La conception sonore était principalement ambient et planante mais le rythme lancinant était brisé par la voix de Philippe avec parcimonie et finesse. Une touche de vocoder et de vocalise orientalisante. Nadim créait de surcroît les saccades rythmiques et Radwan enveloppait le public dans des nappes envoûtantes. L’artiste visuel Giotto projetait des images du jeu vidéo en fond lumineux. Une pure tragédie électronique sophocléenne aux saveurs du Liban.