Pour son 10ème, le Festival afropolitain nomade est de retour à Montréal

par Sandra Gasana

 « Gestion et développement de projets culturels, une approche afro-féministe. » 

Tel était le thème de la 2ème journée du volet professionnel du Festival afropolitain nomade, qui rassemblait sur une même scène des professionnels de l’industrie culturelle provenant du Québec, du Brésil et du Cameroun, sous l’animation de Marina Mathieu. Jaqueline Fernandes a brisé la glace. Originaire de Brasilia, au Brésil, elle est gestionnaire culturelle, elle fonde le Festival Latinidades en 2008, et continue son activisme pour la cause des femmes noires au Brésil, encore trop invisibles dans le milieu de l’art. 

« Au Brésil, on nous invite dans les festivals pour parler de racisme, alors que dans la salle à côté, on discute de business », raconte-t-elle. En plus du festival, Jaqueline a créé l’Instituto Afrolatinas qui fait de la recherche en recueillant des données.

 « Les données sont les seuls moyens de prouver ce que nous vivons, ces données deviennent des faits, puis s’opèrent les transformations ». 

Dalila de Carvalho est du même avis. Montréalaise et originaire du Brésil, Dalila est sociologue, immigre à Montréal en 2013 et se penche pour son doctorat sur l’insertion des musicien.ne.s immigrant.e.s dans la « musique du monde ». En abordant les tendances qui ressortent de ses recherches doctorales, elle insiste tout comme Jaqueline sur l’importance des données, puisqu’il n’en existe pas beaucoup sur le sujet. 

Retraçant l’historique de l’appellation «musique du monde», son travail consiste à  faire ressortir les rapports inégaux qui existent à l’intérieur de cette catégorie. « La musique du monde permet de faciliter la circulation des artistes, à travers les festivals par exemple, mais ensuite ils retournent dans leur pays d’origine », affirme-t-elle.

Elle distingue cependant cette réalité de celles des artistes montréalais qui sont cantonnés dans cette catégorie trop générale, qui vient diluer leurs spécificités. « Les critères de musique ne devraient pas être basés sur l’origine de l’artiste mais bien sur le style de musique », conclut-elle. Toutefois, elle propose de ne pas tout simplement supprimer cette catégorie « sans d’abord comprendre la logique qui l’a créée ». 

Le terme « diluer » est revenu dans les propos de Louise Abomba, originaire du Cameroun. Venant du milieu du hip-hop, elle se présente comme activiste culturelle et accompagne de jeunes artistes en arts plastiques, en danse, en théâtre afin qu’ils atteignent leur plein potentiel et que « leur fragilité devienne une force ».

Après 20 ans passés dans le mouvement culturel, elle insiste sur la notion de « redéfinir les narrations ». Oratrice hors-pair, elle donnait des frissons à la salle à chacune de ses prises de parole. « Le savoir-faire, on connaît. Mais c’est le savoir-être qui est le plus important. Nos narrations sont diluées, nous devons repartir à la source. » 

Cette redéfinition des narrations, l’artiste la voit comme une possibilité de nous repositionner. Elle rappelle notamment aux femmes artistes l’importance de travailler ensemble puisque l’art transcende tout et devient un vecteur de dignité. Elle a pris le temps d’ouvrir la cérémonie en partageant un rituel tout droit venu de son Cameroun natal, et a clôturé l’activité en envoyant de la force à chacune des femmes sur la scène.

« Au Brésil, de plus en plus de festivals s’intéressent à l’Afrique alors que d’autres, beaucoup plus gros, n’ont  aucun intérêt. Après la pandémie, nous avons connu une crise dans le milieu des festivals », nous partage Jaqueline.

« La bureaucratie est devenue difficile, tout a pris de la valeur, les billets d’avion sont plus chers », donne-t-elle en exemple. Selon elle, les festivals qui vont survivre sont ceux qui sont plus nichés, puisqu’ils mettent en valeur les identités, la diversité. « Le futur de l’industrie est dans ces festivals », conclut-elle, avant d’énumérer une liste de festivals à surveiller.

La quatrième panéliste, Diane Gistal, est Montréalaise d’origine haïtienne. Elle est gestionnaire culturelle, elle est née et a grandi en France, de parents passionnés d’histoire et de culture. Elle fait des études en histoire et en littérature avant de se tourner vers les arts visuels, ce qui la conduira plus tard à la direction de Nigra Iuventa, une organisation à but non lucratif dédiée à la promotion de la scène artistique afrodescendante et africaine.

Questionnée sur le manque de représentativité dans les cercles de pouvoirs auxquels elle a accès, Diane préfère parler des exemples de leadership au féminin qu’elle côtoie au quotidien. « Je crée les espaces dans lesquels je veux évoluer, je m’entoure de femmes comme Veeby, avec toute leur authenticité, et qui ont la force de se déployer pleinement ».Si nous avons déjà toutes ces émotions durant le volet professionnel, comment seront les concerts du 30, 31 mai et 1er juin ?  À suivre dans un texte à venir !

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