Nous sommes dans un paradis tropical, alors qu’un homme assis sur une chaise chantonne bruyamment une chanson folklorique espagnole (que tous les Espagnols du public semblent connaître mot pour mot), tandis qu’une femme continue de glisser et de tomber sur des tapis multicolores posés sur le sol. Deux écrans sont suspendus au-dessus de la scène, l’un pour la vidéo documentaire, l’autre pour la traduction. Il s’agit de Centroamérica de Lagartijas Tiradas al Sol, une performance qui s’inscrit dans le cadre du Festival TransAmériques.
Dans l’histoire, les personnages deviennent Luisa Pardo et Lázaro G. Rodríguez, un couple mexicain (qui joue son propre rôle) déterminé à enquêter et à documenter les régions d’Amérique centrale – des endroits qu’ils connaissent peu ou pas du tout. Ils finissent par rencontrer une Nicaraguayenne exilée qui les supplie de prendre son identité et d’accomplir une quête familiale au cœur de la nouvelle dictature du Nicaragua, sous la direction des coprésidents Daniel Ortega et Rosario Murillo.

En mêlant des images d’archives et des séquences documentaires à un jeu d’acteurs en direct de grande qualité, Centroamérica offre un portrait captivant et complexe de la migration, de la violence et de la résilience dans la région d’Amérique centrale. Dès le début, le public est immergé dans un collage multimédia : des témoignages vidéo vacillants, des bribes d’émissions d’information réelles, des intermèdes de musique cumbia, bachata et bossa nova d’Amérique centrale, ainsi que des images granuleuses de téléphones portables remplissent l’espace d’une authenticité troublante. Ces éléments ne sont pas qu’un simple arrière-plan : ils constituent la base du récit, ancrant les personnages fictifs dans un monde qui semble bien trop réel, même lorsqu’ils « jouent » les parties manquantes de la séquence vidéo.
Luisa et Lázaro parlent parfois en monologues ou en abstractions poétiques, mais l’essentiel de l’histoire est tiré en partie d’interviews et de rapports réels, avec l’urgence non polie de la vérité. À certains moments, la densité même des informations menace de submerger, et certains fils narratifs pourraient bénéficier d’une plus grande marge de manœuvre. Mais même dans ses passages les plus désordonnés et chaotiques, Centroamérica reste captivant, précisément parce qu’il reflète la nature chaotique et irrésolue de la crise qu’il dépeint.