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Nuits d’Afrique 2022 : retour sur un retour en présentiel spectaculairement réussi

par Luc Marchessault

Ça semblait mal engagé à la fin mai, lorsque la percussionniste et animatrice Mélissa Lavergne s’est désistée de son rôle de porte-parole de Nuits d’Afrique. Elle n’aura donc aucunement promu le festival, cédant aux critiques de quelques obsédés de la mélanine. L’acteur, auteur, homme politique et chroniqueur Maka Kotto a parfaitement analysé cette controverse ubuesque. Ça s’est aussi corsé vers la fin du festival, gracieuseté d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) qui refusa à la superstar nigériane Yemi Alade son visa, pour des raisons très peu convaincantes. Ce n’est là qu’un des ratages de l’administration canadienne, qu’un éditorial du Devoir résume très bien.

Fort heureusement, ni l’absence de porte-parole ni l’incurie d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n’auront gâché la fête. Vites sur le piton et diablement débrouillards, les programmateurs de Nuits d’Afrique ont recruté la rappeuse zambio-australienne Sampa the Great pour remplacer Yemi Alade, en clôture de festival dimanche dernier. Ce bon vieux coronavirus aura aussi tenté de foutre le bordel mais, dans l’ensemble, les dégâts furent limités. La couverture de Nuits d’Afrique par Pan M 360 en aura tout de même quelque peu souffert. Tandis que mon collègue Stephan Boissonneault était sur le terrain au début des festivités, j’étais sur le carreau chez moi, victime de la tenace engeance. Puis lorsque je pus reprendre les activités, c’est Stephan qui s’est retrouvé isolé chez lui…

Au cours de la chaude douzaine de jours de Nuits d’Afrique, Pan M 360 a pu faire des entrevues musicalement et humainement enrichissantes avec Ifriqiyya Électrique, Wesli, Manou Gallo, Yacine Ben Ali (percussionniste et arrangeur de Gnawa Soul, ainsi que bras droit du maâlem Moktar Gania) et Fabiana Cozza. Vous pouvez lire nos comptes rendus des prestations de Lindigo et Ghetto Kumbé, d’Ifriqiyya Électrique et de Sophie Lukacs.

En outre, on aura assisté au concert de la multi-instrumentiste – mais totalement bassiste pour l’occasion – Manou Gallo, virtuose et inspirée, sur la scène de l’Esplanade tranquille. Ce lieu, qui fut pendant de longues années un rectangle raboteux, graveleux et constellé de grosses flaques de limon urbain, est désormais convivial au maximum. Le Marché Tombouctou y était déployé, l’ambiance y était des plus cordiales. Après deux ans et d’innombrables rencontres Zoom, tout ça était salutairement sain.

On sera aussi allé au Théâtre Fairmount voir et entendre Moktar Gania et ses acolytes, qui ont entraîné l’auditoire dans une transe heureuse et dansante. Portant en bandoulière son guembri – basse à trois cordes dont la forme évoque la guitare rectangulaire de feu Bo Diddley –, le maâlem Moktar produisait un gros son de basse rond et envoûtant, tandis que le guitariste Anoir Ben Brahim, chaussé de Doc Martens blancs, plaquait là-dessus des accords de blues du désert. Le très charismatique Gbinti Koyo assurait dangereusement aux chœurs, aux acrobaties et, surtout, aux karkabous, ces castagnettes typiques de la musique gnawa dont il est un virtuose.

C’est aussi au Théâtre Fairmount que la Brésilienne et sambiste Fabiana Cozza a livré son premier concert en sol québécois. Cette formidable artiste a charmé la foule, c’est le moins que je puisse dire. Sensibilité et lucidité exceptionnelles, ainsi que capacités vocales et charisme remarquables : voilà qui circonscrit un tant soit peu le calibre de la dame. Fabiana Cozza nous a présenté la matière de l’album Dos Santos, paru en septembre 2020, et dont les 19 pièces rendent à la fois hommage à son père, Oswaldo dos Santos, ainsi qu’à son ascendance afro-brésilienne. Voilà une artiste qui se produira dans un espace plus vaste, lors de son prochain arrêt à Montréal.

Samedi dernier, le guitariste ivoiro-québécois Aboulaye Koné occupait la scène du chaleureux Balattou. Ses accompagnateurs n’étaient pas piqués des hannetons, je peux vous le certifier : un autre guitariste qui rythmait les solos d’Aboulaye; un claviériste qui venait tout juste de descendre d’avion, sur qui le décalage n’avait aucune emprise et qui tirait de son instrument, entre autres, des sons de kora; un batteur qui maîtrise totalement les fréquents changements de rythme inhérent à ce blues-prog mandingue, puis un bassiste et directeur musical chevronné qui s’appelle Carlo Birri. Pour clore la soirée, je me suis rendu presque à côté, au Ministère, où Nuits d’Afrique avait organisé une soirée DJ menée par Poirier, hyper-expert en la matière. J’ai assisté à son set et à celui de la très douée Empress Cissy Lo, dansotant en sirotant mon IPA tandis que les gens dansaient en bonne et due forme autour de moi. Puis je suis retourné dans Rosemont à vélo, le cœur léger et les oreilles pleines.

Il y a bien sûr plusieurs musiciens qu’on aurait voulu voir et entendre, dont Dicko Fils, le vétéran techno-dub Iration Steppas, la susmentionnée Sampa the Great et nombre d’autres. On se reprendra, comme on dit. Pour clore, des tonnes de mercis à l’équipe de Nuits d’Afrique, dont Thomas Chennevière, Amaëlle Beuze, Sépopo Galley et Guillaume Alexandre.

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