Pour Yannick Nézet-Séguin et les membres de son orchestre montréalais, c’était le 13 juin dernier le concert final de cette saison spéciale, et pour votre humble serviteur, c’était le premier rendez-vous du genre, « en présentiel », depuis un sacré bout de temps! À l’excitation de cette « première fois » s’ajoutait le plaisir d’entendre un programme maîtrisé à la perfection. Et pour entendre, on entend ! D’abord, parce que c’est la Maison symphonique, et que ça sonne, et aussi, bien sûr, parce que le chef, branché sur le 220, transmet son énergie à l’ensemble sans jamais faiblir, mais également parce que, COVID oblige, l’orchestre aussi est placé en mode « distanciation », sur un plateau agrandi qui s’avance davantage dans la salle, et ça élargi très agréablement le son d’ensemble, les détails sont plus clairs, et les effets stéréophoniques magnifiés.
Ça, on l’a vu dès le départ chez les cuivres dans la pièce Trajin, d’Alejandra Odgers, une compositrice mexicaine qui a complété maîtrise et doctorat en composition chez nous, à l’Université de Montréal. La pièce est courte, très rythtmée et fort dynamique, avec des accents cinématographiques, et peut-être plus spécifiquement quelque chose de Bernard Hermann chez Hichcock. Hermann a composé pour un orchestre à cordes sa musique la plus célèbre, celle de Psycho, et c’est aussi ce qu’a fait Walter Boudreau pour La Vie d’un héros (Tombeau de Vivier), mais là s’arrête la comparaison. D’abord, Boudreau ajoute une soliste devant l’ensemble, ce qui n’est certes pas négligeable. La soliste et l’ensemble dialoguent comme ils le font généralement dans les concertos, mais c’est surtout le compositeur qui discute à bâton rompu avec le souvenir de son ami Claude Vivier, et surtout avec sa musique, qu’il cite, évoque et triture comme dans un fantastique mashup. C’est parfois la douleur du deuil qui fait grincer les cordes, comme dans Wo bist du Licht !, et ailleurs le portrait de l’ami s’illumine. Quand la soliste Yukari Cousineau quitte la scène en reprenant inlassablement une courte mélodie qu’elle partage avec l’ensemble, l’émotion est à son comble et l’ovation qui se prépare n’est pas volée ! Puisque le concert était enregistré, ne serait-il pas merveilleux de mettre ça sur disque et de compléter le programme avec Siddhartha, de Vivier, créée en 1987 par l’OM sous la direction de Boudreau, et Orion, du même par les mêmes. Oh que oui.
Le concert, et donc la saison de l’OM, se concluait par la Symphonie no 3 de Sibelius, dont l’orchestre compte enregistrer les sept symphonies pour Atma. Le chef nous avait prévenu dans son laïus pré-concert : Sibelius utilise les cuivres avec parcimonie, mais d’une manière très efficace, et en effet, dans les circonstances évoquées plus haut, cors et trombones résonnent avec force ! Le chef se laisse presque emporter à danser dans le mouvement final et l’ensemble adopte visiblement son enthousiasme. La Troisième ne se termine pas d’une manière éclatante, mais plutôt dans une certaine gravité, qui était indiquée à un moment où l’on espère pouvoir quitter cette époque opaque qui n’en finit plus de finir. La longue ovation qui a suivi saluait la fin d’un excellent concert, mais aussi celle d’une saison, c’est le cas de le dire, exceptionnelle. À revoir avec plaisir dans le confort de son salon.
crédit photo: François Goupil
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