Ta théorie sur la lumière est le troisième recueil – et demi, si l’on compte le microalbum Ta constellation – de ce Drouillard d’Amérique prénommé Jean-Robert, nom de code « Juste Robert » pour la collectivité des musicophiles. Pourquoi Juste, au juste? On songe à Juste Leblanc ou alors à Louis Antoine Léon de Saint-Just. Toujours est-il que Jean-Robert Drouillard a fait son entrée en musique la quarantaine bien entamée; une vocation tardive, comme on le disait de celles et ceux qui entraient tard en religion. C’est que Jean-Robert a d’abord fait des études en littérature et création littéraire. Il a ensuite embrassé le métier de sculpteur, qu’il a également enseigné. Nombreux sont les praticiens de formes d’arts non musicales ayant des velléités d’auteurs-compositeurs-interprètes. Parmi ces dilettantes, peu percent, « percer » étant ici employé selon une acception modeste. Or, Juste Robert tire son épingle du jeu, sans doute grâce à sa sensibilité marquée, à son vocabulaire bien garni, puis à sa capacité de poétisation du réel, du fantasmé et de l’anecdotique. À cela s’ajoute sa bonne voix grave – qu’il a travaillée, de son propre aveu – bien à lui, qui pourrait se situer quelque part entre celles de J-F LaMothe, d’Edgar Bori et de Fredric Gary Comeau. Le charme de Juste Robert provient aussi de son accent indéfinissable, un peu franco-ontarien, un peu gaspésien, un peu québécois de Québec, un peu on ne sait trop : l’accent d’un Drouillard d’Amérique. À l’écoute de Ta théorie, on imagine d’un côté l’humilité du créateur-chansonneur devant des musiciens-collaborateurs hyperchevronnés, puis l’ouverture et le respect de ceux-ci devant le poète qui choisit, par sa voix, de donner corps à l’intangible. Juste Robert est épaulé par les pros de chez pro Benoit « Shampouing » Villeneuve, Claude Fradette, Émilie Clepper, Benoit Paradis et Frédéric Desroches, ainsi par les accompagnateurs moins renommés mais tout aussi efficaces Yves Marquis et Kenton Mail. Sur fond de québécana haut de gamme, les dix chansons de Ta théorie sur la lumière comportent quelques passages engagés, mais regorgent avant tout de touchantes images imaginées ou non, comme celle de la magistrale autobiographie La détresse et l’enchantement de Gabrielle Roy qui sert de cale à une patte de table.
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