The Pirouettes : naturellement synthétique

Entrevue réalisée par Luc Marchessault

La France n’en est certes pas à son premier chapitre synth-pop, The Pirouettes en honorent la tradition et en transcendent les acquis avec Équilibre, nouvel album du tandem.

Genres et styles : synth-pop

renseignements supplémentaires

Établie par les Britanniques Yazoo (Yaz chez nous) et les Hexagonaux Elli et Jacno, la tradition quadragénaire du duo mixte synth-pop se porte très bien merci. À l’œuvre depuis déjà une décennie, les Annéciens désormais Parisiens Vickie Chérie et Leo Bear Creek, alias The Pirouettes, le prouvent indéniablement : un label à eux (Kidderminster), deux microalbums (un homonyme en 2012 et L’importance des autres en 2014), trois recueils en bonne et due forme (Carrément carrément en 2016, Monopolis en 2018, puis le double album Équilibre ces jours-ci) et, surtout, la reconnaissance unanime du public, des critiques et du Chevalier Kadosh de la pop française, Étienne Daho.

Leo a d’abord tenu le rythme chez Coming Soon, formation de son frère aîné, avant de rencontrer Vickie et de lui écrire une chanson : ainsi s’est opérée la genèse de ce duo qui, de sa plume décomplexée, secoue celles du romantisme. Et ne tentez pas de débusquer de velléités nostalgiques chez The Pirouettes : Vickie et Leo respectent leurs aïeuls, notamment Michel Berger et France Gall, tout en étant authentiquement actuels. Entrevue de Pan M 360 avec The Pirouettes, où il est question de continuité, de rupture, de présent et d’avenir.

Pan M 360 : D’entrée de jeu, sans vouloir trop vous bassiner avec ces histoires, on sait qu’Équilibre est un album de rupture, la vôtre. Mais, contrairement à la plupart des albums du genre, que ce soit Dylan et son Blood on the Tracks, Beck et son Seachange ou Dominique A et son Remué, les deux principaux intéressés – c’est-à-dire vous deux – y participent et y trouvent même un « équilibre ».

Vickie : “C’est un panorama 360, justement; on est obligés d’entendre tous les points de vue!”

Pan M 360 : Le nouvel album compte 18 pièces. Vous avez écrit tous les textes?

Leo : “ Il n’y en a qu’un seul qu’on n’a pas écrit, celui de Les morsures Monica, qui nous a été offert par Dodi El Sherbini. L’écriture de Dodi est plus abstraite, peut-être un peu moins positive que la nôtre. Ça reste, pour moi, l’un des meilleurs auteurs-compositeurs de France.”

Vickie :” Il a une écriture plus misanthrope, je crois. Oui, Les morsures Monica a été intégralement composée et écrite par Dodi et des collaborateurs à lui. Dodi a aussi composé plusieurs autres morceaux avec nous, dont Oulala.”

Leo : “ On avait invité Dodi à faire notre première partie à l’Olympia. C’était important que ce soit lui, c’est sa musique qu’on aime le plus en ce moment. Son dernier album, Fictions, est vraiment un chef-d’œuvre.” 

Pan M 360 : “ Une partie du texte de Lâcher prise a été coécrite avec Timothée Joly, qui participe aussi à la chanson. De fait, elle me fait penser à De larmes de Zed Yun Pavarotti, sortie l’automne dernier.”

Leo : “ Oui, Timothée a écrit le refrain et composé la musique. Et j’aime bien Zed Yun!”

Pan M 360 : Pour ce qui est de la composition et de la production, vous vous adjoignez des artisans costauds, comme Nino Vella, le susmentionné Dodi El Sherbini, Superparka, Boumidjal X, Sany San… Vous avez un vaste réseau! Ce sont eux qui vous approchent ou vice versa? Ce sont des artistes dont vous suivez le travail?

Leo : “ Ça dépend lesquels, il y a beaucoup d’amis parmi eux, et des gens qu’on rencontrait pour la première fois au moment de faire ces morceaux. Chaque fois, ça s’est super bien passé, aucune de ces relations n’a été déplaisante. En même temps, le défi consistait à trouver une cohérence pour tout l’album, et je crois que ce sont nos voix qui amènent cette cohérence. Nous chantons à deux et une unité se dégage du tout, malgré les producteurs d’horizons différents.”

Pan M 360 : Vous chantez moins en chœur, plutôt chacun votre tour, par rapport aux albums précédents?

Vickie : “ Oui, on peut dire ça, on chante très peu à l’unisson sur cet album. Il y a des morceaux où l’on chante ensemble, qui sont peut-être plus décalés, comme Il n’y a que toi. Sinon, sur la plupart on chante chacun notre couplet. Sur Encore un peu d’amour, il n’y a pour ainsi dire que Leo qui chante. C’est un truc tout à fait naturel, ça coule de source dans un contexte post-rupture : on n’a pas les mêmes choses à dire, on ne ressent pas les mêmes choses. Donc, les deux points de vue doivent être exprimés; c’est naturel de donner sa version à égalité avec celle de l’autre. Ça s’articule de façon équilibrée.”

Pan M 360 : Au point de vue technique, êtes-vous des tronches de studio? L’équipement, les synthés et tout le matos, comme on dit, ça importe beaucoup pour vous? Vous aimez bidouiller, ou alors vous faites davantage confiance aux producteurs?

Leo : “ Ça arrive quand même qu’on débarque en studio avec des démos, même très souvent; c’est le cas pour 50 % de l’album, ce sont des portions instrumentales qu’on compose nous-mêmes. Ensuite, c’est sur ordinateur, c’est très numérique. Il arrive, en studio, qu’on remplace les sons par de vrais synthétiseurs, du vrai matos donc. On touche un peu à la composition et aux arrangements, on arrive parfois avec des morceaux déjà arrangés.”

Vickie : “ On touche à la composition, mais après, on n’est pas de grands techniciens. On se débrouille, on sait faire de la musique sur ordinateur. On donne des idées, on amène une vraie direction, mais pour ce qui est d’étoffer les morceaux, de pousser les arrangements, on a beaucoup moins de ressources qu’un producteur.” 

Pan M 360 : À l’origine, votre projet musical s’inspirait du son des années 80, notamment de Michel Berger. Après trois albums, vous en êtes arrivés à une esthétique très contemporaine, bien en phase avec l’époque actuelle. J’entends une filiation avec vos compatriotes qui malaxent l’électro, la pop, le rap et le R & B, comme Hervé, Johan Papaconstantino, Régina Demina ou Polo et Pan, entre autres. Vous vous sentez des affinités avec ces musiciens?

Leo : “On est très fans de Johan Papaconstantino!”

Vickie : “ Pour ce qui est de Michel Berger, il s’agit d’une des influences qu’on a depuis très longtemps. Personnellement, ça m’accompagne encore, c’est de la musique que j’écoute régulièrement. Sa façon d’exprimer les sentiments, notamment, est très inspirante. Je crois que nous n’en sommes pas là, car c’est extrêmement beau et juste et tout. Ça reste une toile de fond, un auteur-compositeur qui nous touche, de façon très très contemporaine.”

Pan M 360 : Avez-vous l’impression de faire partie, avec toutes ces consœurs et tous ces confrères, d’une nouvelle « nouvelle chanson française », vingt-cinq ou trente ans après les débuts de Miossec, Dominique A ou Louise Attaque? Une cohorte au son plus synthétique, ce qui n’exclut pas le recours à l’acoustique?

Leo : “ Oui, c’est vrai, tous les groupes que tu viens de citer, on les aime bien!”

Pan M 360 : Avec le recul, en réécoutant Équilibre, constatez-vous que certaines inspirations insoupçonnées émergent? Qu’il s’agisse de musique, de cinéma ou de littérature?

Vickie : “ C’est plutôt conscient, il y a des références directes dans certaines pièces. Par exemple, la chanson Ciel radieux renvoie directement à un manga de Jirô Taniguchi qui s’appelle Un ciel radieux. Il y a dans Allo une autre référence à un manga, très brève celle-là, « Oh Kyoko », qui renvoie à un personnage de Lorsque nous vivions ensemble de Migiwa Kamimura. J’avais lu ça après notre séparation, je crois, c’est marrant parce que c’est l’histoire d’un couple, c’est très dramatique, rien à voir avec la nôtre.”

Leo : “ Il y a une référence à la légende de Romulus et Rémus, les fondateurs de Rome, dans Élevé par des loups. Et aussi à Inspecteur Gadget dans Enquête d’amour; on a repris le thème dans le refrain, puisque dans la chanson, il est question d’espionner l’autre par l’entremise de son téléphone. Voici quelques références, donc. Il y en a plein d’autres!”

Vickie : “ On fait aussi un clin d’œil à la chanteuse Cléa Vincent dans la chanson Nouveau départ.”

Leo : “ Vickie y chante « Comme dirait Cléa, j’m’y attendais pas », ça renvoie à son tube Jmy attendais pas.”

Pan M 360 : Les sirènes anglophiles charment nombre d’artistes français, non? Certains le déplorent, comme Jean-Louis Murat dans la revue « Longueur d’Ondes », il y a quelques années. C’est essentiel pour vous de chanter en français?

Vickie : “ Il y a de moins en moins d’artistes français qui chantent en anglais. Nous avions eu l’idée de chanter en anglais au début. Leo chantait déjà en anglais dans Coming Soon et moi, j’étais plus à l’aise en anglais. Plus on est jeune, plus on est pudique par rapport à ce que l’on chante, et le français c’est plus frontal. Ça prend du temps s’affirmer dans sa langue maternelle, mais une fois qu’on a passé ce cap-là, qu’on est assez décomplexé, c’est un vrai plaisir et je crois que ça touche beaucoup plus les gens. Si on chantait en anglais, ce serait peut-être plus maladroit. Pourtant, on écoute beaucoup de musique anglophone, c’est pour ça qu’on avait commencé par écrire en anglais, c’était notre inspiration. Mais de chanter en français en se sentant fidèle à ce qu’on pense, c’est le bonheur!” 

Pan M 360 : Peut-être que d’un autre côté, le rap nous ramène de grands paroliers franco comme MC Solaar ou Abd al Malik, depuis une trentaine d’années?

Leo : “ Carrément.”

Vickie : “ C’est clair.”

Pan M 360 : Côté concerts, c’est tranquille ces jours-ci, mais comptez-vous porter l’album Équilibre sur scène?

Leo : “ Oui, en fait ce qui est tragique, c’est que nous sommes déjà prêts à présenter nos nouveaux morceaux. Il y avait un concert de prévu au Trianon le 24 février, nous avons décidé de le maintenir. Nous allons le faire en ligne, ce sera retransmis en direct. C’est notre seul concert pour l’instant.”

Pan M 360 : Vous êtes déjà venus à Montréal, aux Francos?

Vickie : “ Oui, il y a deux ans, je crois.”

Leo : “ Et aussi à M pour Montréal, à la Salla Rossa, c’était chouette.”

Pan M 360 : Alors au plaisir de vous rencontrer, de vous entendre et de vous voir à Montréal! Merci énormément Vicky et Leo de The Pirouettes, longue vie à votre album Équilibre et bonne suite!

Tout le contenu 360

FIMAV | Sélébéyone, ou les intersections culturelles selon Steve Lehman

FIMAV | Sélébéyone, ou les intersections culturelles selon Steve Lehman

Norté Tropical | Nouveau départ pour Mateus Vidal, de Bahia à MTL

Norté Tropical | Nouveau départ pour Mateus Vidal, de Bahia à MTL

FIMAV | La Société d’Information Naturelle vous informe !

FIMAV | La Société d’Information Naturelle vous informe !

Bibi Club attise son Feu de garde

Bibi Club attise son Feu de garde

CMIM – Piano 2024 : L’avant-dernière ligne droite des finalistes (2e partie)

CMIM – Piano 2024 : L’avant-dernière ligne droite des finalistes (2e partie)

Arion Orchestre Baroque | French Connection avec l’Angleterre

Arion Orchestre Baroque | French Connection avec l’Angleterre

PODIUM 2024 | Chants d’appel et de liaisons, André Pappathomas explique

PODIUM 2024 | Chants d’appel et de liaisons, André Pappathomas explique

CMIM – Piano 2024 : L’avant-dernière ligne droite des finalistes (1ère partie)

CMIM – Piano 2024 : L’avant-dernière ligne droite des finalistes (1ère partie)

FIMAV |Joëlle Léandre : libre contrebasse, libre pensée

FIMAV |Joëlle Léandre : libre contrebasse, libre pensée

La mémoire du corps : Catherine Major pianistique, sans paroles, instrumentale

La mémoire du corps : Catherine Major pianistique, sans paroles, instrumentale

Jeux de chaises, un festival de musique de chambre à l’École de musique Schulich

Jeux de chaises, un festival de musique de chambre à l’École de musique Schulich

Swingue la messe à la Cinquième salle : après  »Les Choristes » et  »Hair », Lorenzo Somma nous offre une rare messe jazz!

Swingue la messe à la Cinquième salle : après  »Les Choristes » et  »Hair », Lorenzo Somma nous offre une rare messe jazz!

Norté Tropical | Découvrons le vallenato avec Beto Jamaica Rey Vallenato

Norté Tropical | Découvrons le vallenato avec Beto Jamaica Rey Vallenato

Découvrez Uuriintuya Khalivan : celle qui transporte la Mongolie au Canada

Découvrez Uuriintuya Khalivan : celle qui transporte la Mongolie au Canada

Les routes féminines de la soie au Festival du Centre des Musiciens du Monde 2024

Les routes féminines de la soie au Festival du Centre des Musiciens du Monde 2024

PODIUM 2024 | La « délégation » québécoise au sein du Chœur national des jeunes du Canada

PODIUM 2024 | La « délégation » québécoise au sein du Chœur national des jeunes du Canada

Hommage à John Williams : le chouchou des musiciens et du public

Hommage à John Williams : le chouchou des musiciens et du public

FIMAV 2024 | Basileus en ouverture, oratorio d’un autre type

FIMAV 2024 | Basileus en ouverture, oratorio d’un autre type

Maurizio Baglini et la 9e de Beethoven pour 10 doigts

Maurizio Baglini et la 9e de Beethoven pour 10 doigts

Corridor : de l’héritage analogique à l’exploration électronique

Corridor : de l’héritage analogique à l’exploration électronique

FIMAV 2024 | Scott Thomson, nouveau directeur artistique, nous explique et nous dévoile ses coups de cœur

FIMAV 2024 | Scott Thomson, nouveau directeur artistique, nous explique et nous dévoile ses coups de cœur

Laraw | Mélodies d’un journal intime

Laraw | Mélodies d’un journal intime

PODIUM 2024: Montréal au sommet des chœurs

PODIUM 2024: Montréal au sommet des chœurs

Nastasia Y, sa culture ukrainienne infusée dans la canadienne

Nastasia Y, sa culture ukrainienne infusée dans la canadienne

Inscrivez-vous à l'infolettre