Vendredi soir, le Festival de Lanaudière accueillait la violoncelliste argentine Sol Gabetta, pour la première fois au Canada, disait le communiqué. En introduction de concert, le directeur artistique Renaud Loranger a plutôt mentionné une ‘’première fois au Québec’’. J’ai tenté quelques recherches, mais je ne peux dire s’il s’agit de ‘’Canada’’ ou ‘’Québec’’. Si vous le savez, faites-moi signe.
Au final tout cela est peu important au regard d’une performance pour le moins spectaculaire que l’artiste basée en Suisse a offert au public assez nombreux. Spectaculaire, certes, mais pas dans le sens d’une esbroufe qui souhaite transformer systématiquement les allegros en furiosos Mad Max-esques. Plutôt dans le sens d’une technique tellement précise qu’elle force l’admiration et appuyée sur un chant naturel des phrases qui laisse toutes les notes s’écouler avec une facilité impressionnante. Je pense particulièrement au Concerto pour violoncelle n° 1 en do majeur, Hob. VIIb/1 de Haydn, dont j’ai rarement entendu une lecture aussi nette et touchante. En ce sens, Gabetta (et les Violons du Roy, bien entendu) ont exprimé avec excellence l’esprit de l’ Empfindsamkeit, ou le ‘’style sensible’’ de la fin du 18e siècle, un précurseur du Romantisme en ce sens qu’on y privilégie une expressivité plus libre, tout en demeurant encadré par des formes encore très précises et codées. Pas d’urgence ni de propulsion ébouriffante des rythmes, donc, ni d’attaques agressives qui cherchent à forcer ‘’l’énergisme’’. Seulement une narration posée mais exaltant une pétillance communicative, tout cela dans une exécution technique qui atteint la perfection stylistique. Ce fut un très grand moment de musique.
L’autre concerto joué par Mme Gabetta (il y en avait deux, tant qu’à l’avoir avec nous…) était celui de Carl Philipp Emmanuel Bach, le très joli Wq 172 en la majeur, l’un de mes préférés du répertoire, bien qu’encore relativement méconnu du grand public. La violoncelliste a admis dans l’entrevue accordée à mon collègue Alexandre Villemaire qu’elle n’avait pas touché à ce morceau depuis 2014. On a remarqué, du coup, que la dame n’avait pas cette partition aussi instinctivement ‘’dans les doigts’’ que le Haydn, même si au final elle a tout de même donné une solide leçon de musicalité à quiconque voudrait s’y essayer.
Je ne sais pas si les Violons de Bernard Labadie, eux non plus, n’avaient pas été en contact avec ce concerto depuis plusieurs années, mais la fabuleuse clarté démontrée dans la première partie du concert (en plus du Haydn, la Symphonie 29 de Mozart, dont je vous parle ci-après) n’était pas aussi cristalline dans ce CPE Bach. Oh, pour n’importe quel autre ensemble, ç’aurait été un accomplissement en soi, mais après ce qu’on avait entendu précédemment, la barre venait de baisser d’un infinitésimal micron, néanmoins perceptible.
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Dès le début du concert, et comme mentionné à l’instant, Bernard Labadie a donné une Symphonie n° 29 en la majeur, K. 201 parfaitement équilibrée avec rythmes posés et des phrasés dessinés finement. Tout cela dans des atours à l’élégance décontractée. Déjà, on avait une idée du choix esthétique proposé pour ce concert. En fin de compte, c’est en conclusion de programme que le chef québécois a manifesté des intentions un peu plus vigoureuses avec une Symphonie n° 45 en fa dièse mineur, « Les Adieux », de Haydn, à laquelle il a insufflé une dynamique qu’on n’avait pas ressentie avant. Une conclusion convaincante qui ne dérogeait tout de même pas à l’esprit de la général de la soirée. Une belle réussite.
On souhaite seulement que ce ne soient pas des ‘’adieux’’ sur lesquels nous laissent Sol Gabetta, mais seulement un ‘’au revoir’’, car il faut absolument que cette fabuleuse interprète nous reviennent rapidement. On rêve de l’entendre à la Maison symphonique ou à la salle Bourgie!