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Guérison est une œuvre de la saxophoniste, compositrice et improvisatrice Joane Hétu (paroles et musique) pour l’Ensemble SuperMusique (ESM) et la Chorale Joker. Cette création est construite en trois mouvements, l’artiste y aborde les thèmes de l’épreuve, de la douleur, de la résilience, la guérison étant l’heureuse conclusion.L’inspiration provient d’un fait bien réel: en avril 2021, la fille de Joane Hétu fut atteinte d’un cancer des seins dont elle dut subir l’ablation, le tout suivi de 18 mois de traitements intensifs avant de se trouver enfin en rémission. Cette épreuve dramatique, vécue par tant de femmes, est l’épicentre de l’œuvre, dont Joane Hétu croit la portée universelle.À quelques jours de sa création sur scène, soit les jeudi 18 et vendredi 19 juin à l’Espace Orange de l’Édifice Wilder, Joane Hétu nous en apprend davantage sur la construction de l’œuvre et sa corrélation avec cette expérience familiale des plus douloureuses. Alain Brunet lui a posé les questions qui suivent.
PAN M 360: Y a-t-il à ajouter sur ce cycle très éprouvant de ta fille et de votre vie familiale?
Joane Hétu: L’écriture et la réalisation de cette pièce, tout en étant imprégnées par la réalité de cette expérience, étrangement, s’en détachent. Le projet a sa propre vie et devient une œuvre qui a sa propre indépendance.
PAN M 360 : À quel moment as-tu pensé en faire l’évocation musicale?
Joane Hétu: À vrai dire, depuis plus d’une dizaine d’années, je souhaitais réaliser un grand projet réunissant la Chorale Joker et l’Ensemble SuperMusique. Je rêvais d’un opéra. Mais je ne trouvais pas le sujet. Sans sujet, pas d’opéra, pas d’opéra sans sujet.
À partir du diagnostic de ma fille, j’ai commencé à tenir un « journal de bord » à caractère poétique, sans but. Comme ça, les mots venaient et m’apaisaient. Et au bout de six mois, j’ai réalisé que j’avais déjà rassemblé un bon corpus de textes et que je tenais mon sujet pour ce grand projet que je remettais d’année en année.
Pour donner vie à ces thèmes, Guérison offre une expérience sensorielle riche et immersive mêlant récit, musique, poésie et art visuel. La pièce s’ouvre sur l’angoisse des rêves brisés, puis évolue vers un clair-obscur où s’entremêlent acceptation et lutte. L’espoir, d’abord ténu, éclot progressivement jusqu’à la célébration des survivantes, une grande fête musicale clôture l’œuvre. Bien que ces sujets soient graves, la pièce est traversée par un souffle d’espoir.
PAN M 360 : Comment peut-on associer des sons à cette trame dramatique?
Joane Hétu: Je n’ai pas composé en associant des sons à la thématique en tant que telle. Avec le temps, l’idée de l’opéra s’est estompée et a été remplacée par la forme semblable à la Passion selon Saint-Matthieu, à savoir des récitatifs, des grandes chansons, des chorals, et des juxtaposition chansons/chorales. Comme j’avais beaucoup de texte, cette forme me convenait parfaitement. J’avais une histoire à raconter (les récitatifs) et j’avais des moments touchants à évoquer (les chansons /chorales). Donc, dans un premier temps, j’ai réécrit les textes et je les ai attribués aux différentes formes. Ça été une étape assez longue, plusieurs mois pour arriver à la cohérence du livret.
PAN M 360 : De quelle manière as-tu choisi les matériaux pour illustrer l’angoisse, l’acceptation, la lutte, la rédemption et la célébration de la victoire contre l’adversité ?
Joane Hétu: Je ne suis pas certaine d’avoir consciemment décidé du caractère mélodique de chaque texte. Les mots étaient déjà assez puissants et la musique s’est imposée d’elle-même. C’est difficile à expliquer mais la musique a émergé de l’inconscient.
PAN M 360: : Dans un contexte tonal, les référents existent depuis les débuts de la musique écrite, mais dans un contexte contemporain, comment t’y es-tu prise?
Joane Hétu: Au départ, je souhaitais travailler dans un contexte d’improvisation avec les participant·es en incluant la gestuelle de direction en musique improvisée que j’utilise, car l’ESM et la Chorale Joker partagent la connaissance de cette gestuelle. Toutefois, je n’ai pas reçu toutes les subventions nécessaires, en fait j’ai reçu très peu de subventions, et j’ai dû modifier mon projet. Travailler en improvisation, ça demande beaucoup de temps et je n’avais pas l’argent pour réaliser ce processus. J’ai donc composé toute la musique à l’avance. Ça sonne comme ma musique, c’est de la musique actuelle écrite.
PAN M 360 : Comment as-tu choisi l’instrumentation et les interprètes?
Joane Hétu: C’est un peu le hasard de la vie. Je suis partie à la base avec les membres de l’ESM et de la Chorale Joker. Toustes sont très occupé.e.s, car les cachets sont si faibles qu’il faut faire beaucoup de projets pour rejoindre les deux bouts. À cause du budget que j’avais, j’ai dû réduire les deux ensembles à 7 à 8 instrumentistes de ESM, (des cordes, des vents et des percussions) et à 8 participants·e.s pour la Chorale Joker. Je savais déjà que j’avais plusieurs chansons, donc j’ai cherché des chanteuses qui m’inspiraient, au total 5 chanteuses et 3 voix d’hommes pour assurer les basses. Ça été un éprouvant casse-tête pour établir les horaires. J’ai fait mes choix selon les disponibilités et en concordance avec mon plan de travail.
PAN M 360 : Quelle est la part de la structure (écriture, consignes, etc.) et la part de l’improvisation dans ce contexte?
Joane Hétu: Au final, il n’y a presque pas d’improvisation. J’en suis étonnée moi-même. C’est un projet musical unique qui ne ressemble à rien que j’ai déjà composé. Je suis loin de ma zone de confort et en même temps, étonnamment, totalement en harmonie avec le projet. Et comme le projet devenait vraiment écrit, j’ai demandé à Jean Derome s’il voulait faire les arrangements de ces musiques. Et là encore, le projet a pris un tournant. C’est toujours ma musique mais arrangée par Jean Derome, donc il y a le savoir musical de Jean qui s’inscrit dans Guérison. C’est la première fois que Jean travaillait si intensément sur ma musique.
PAN M 360 : Comment as-tu imaginé la part vocale de l’œuvre ?
Joane Hétu: Au début, ç’a été d’attribuer les chansons à chaque chanteuse. Et on a passé beaucoup de temps à bien structurer et maîtriser les chansons. Tranquillement, le rôle de la Chorale Joker a commencé à s’étoffer et on y ajoute encore des lignes.
Une chose importante à mentionner, c’est que j’ai demandé à Camille Paré-Poirier d’assumer le rôle de narratrice du concert. Elle est une autrice-comédienne dans la trentaine et elle incarne ma fille.
PAN M 360 : De quelle manière le chant choral entre en relation avec la partie instrumentale de l’œuvre ?
Joane Hétu: Au final, la Chorale Joker est bien présente. Il n’y a aucune pièce strictement instrumentale.
PAN M 360 : Il est ici question de récit, musique, poésie et art visuel. ? De quelle manière la partie multidisciplinaire est-elle construite? Qui a écrit le récit? Qui a conçu la partie visuelle?
Joane Hétu: Comme j’ai dit plus tôt, le récit est écrit principalement par moi et j’ai emprunté quelques phrases et mots à d’autres écrivain·e.s. Finalement, le théâtre a été mis de côté, pas assez d’argent et de temps. C’est un concert de musique avec projection vidéo réalisé par Poli Wilhelm et Andrea Caladeron-Stephens. Un travail pictural colossal qui épouse la trame musicale.
Pour ce qui est du récit, je tiens à dire que ce ne sont pas les mots de ma fille, c’est ma projection de ce qu’elle a ressenti. C’est un projet qui m’appartient et c’est ce qui rend ma fille à l’aise face à ce projet. Elle me soutient beaucoup dans ce projet, elle est mon totem et mon inspiration. Elle a été tellement puissante dans toute cette tourmente. J’espère vraiment lui rendre hommage.
PAN M 360: Si j’ai bien compris, tu avais pour objectif de faire une œuvre plus ambitieuse que d’ordinaire. Pourquoi cette œuvre en particulier? Serait-ce parce qu’elle évoque l’événement personnel le plus marquant de ton existence? Autres motivations?
Joane Hétu: J’ai le sentiment que j’arrive dans la dernière phase de ma carrière et je souhaitais vraiment faire un grand projet avec la Chorale Joker et l’Ensemble SuperMusique. Ça s’imposait à moi. Effectivement, la thématique m’a tellement marquée qu’elle était toute désignée pour soutenir ce projet. La pièce dure environ 100 minutes.
Et pour terminer, j’aimerais dire que la réalisation de ce projet n’a pas atténué ma peine. J’ai cru que ça pourrait m’aider, ça m’a aidé oui, mais la peine est encore là. Une création ne peut nous guérir de nos blessures, juste l’atténuer et surtout nous aider à affronter notre destin. J’ai beaucoup pleuré en composant Guérison, et il m’arrive encore parfois de pleurer un peu pendant les répétitions, d’avoir la larme à l’œil comme on dit. Je porte ce projet depuis 4 ans et de réaliser un projet qui colle autant à sa vie, c’est parfois lourd et c’est très exigeant.
J’ai vraiment hâte de présenter ce concert. Je suis prête. Et me voilà!
Programme
: Guérison , 2024 (œuvre en trois mouvements : Elle est née – Point de bascule – Héroïne)
– création
Artistes – Michel F Côté s’est retiré du projet pour des raisons personnels, il y a quelques jours.
VERGIL SHARKYA’
(Voix)
(Voix)
(Voix)
(Voix)
(Voix)
(Voix)
(Voix)
(Voix)
(Narration)
(saxophone, flûtes, voix)
(violon)
(violoncelle)
(guitare électrique)
(percussions)
MICHEL F CÔTÉ REMPLACÉ PAR PRESTON PEEBE
(batterie, percussions)
(contrebasse)
(synthétiseur, harmonium)
(saxophone alto, cheffe)