Le fait que l’interprétation de la Nutcracker Suite de Duke Ellington par l’Orchestre de jazz de McGill ait été donnée en même temps que la première véritable soirée enneigée de l’année a été une agréable coïncidence. Ce fait n’a pas échappé à la cheffe d’orchestre Marianne Trudel, qui n’a pas manqué de le souligner à la blague avant que l’orchestre n’entame ses morceaux festifs. « Douillet » n’est pas le premier superlatif que j’emploierais pour qualifier la salle Tanna Schulich , mais dans ces circonstances, on avait l’impression que le public s’était rassemblé dans le but de se réchauffer et de se perdre dans les airs d’un big band classique des années 60. En vérité, il ne nous manquait que des mugs de chocolat chaud.
Le ballet Casse-Noisette de Tchaïkovski est, bien sûr, l’un des favoris du domaine public et a été (ré)interprété d’innombrables façons par un nombre incalculable de musiciens. Ellington et Strayhorn, cependant, ont réussi à créer quelque chose de vraiment spécial en 1960 avec leur arrangement de ce prolifique ballet russe ; et l’exécution de l’Orchestre de jazz de McGill a été plus que solide. Il était impressionnant, comme toujours, de voir de si jeunes musiciens atteindre un tel niveau de jeu. Certains d’entre eux, je dirais, ont déjà le cran d’abandonner leurs études et de jouer professionnellement (je ne dirai pas qui afin d’éviter la colère potentielle des parents). Cela dit, les concerts d’étudiants comportent presque toujours quelques éléments qui ne sont pas parfaits. Ces éléments sont autant de petits rappels que ces jeunes musiciens sont en fait encore en train d’apprendre.
Ce n’est qu’au troisième mouvement, par exemple, que la basse et la batterie ont finalement imposé un rythme plus assuré et ont cessé d’acquiescer à ceux qui les entouraient. Jouer timidement ne sert en rien le groove, et c’est donc avec soulagement qu’ils ont enfin commencé à se faire confiance. En outre, certains solos des cuivres ont semblé s’égarer par moments. Il convient de mentionner les solistes qui, à l’inverse, ont joué de manière très intentionnelle, notamment Rafael Salazar, Shai Geballe, Maude Fortier et Jeremy Sandfelder (bien que Sandelfer soit un jazzman plus établi à Montréal qui s’est retrouvé remplaçant ce soir-là, ce qui est peut-être un peu injuste pour les étudiants).
Dans la seconde partie du concert, Élizabeth Cormier a interprété une sélection de chansons d’Irving Berlin telles qu’elles ont été arrangées pour Ella Fitzgerald. Ayant récemment assisté à un concert de Caity Gyorgy portant sur un répertoire identique, il était difficile de ne pas avoir une impression de déjà-vu. Je dois dire que Cormier, pour sa part, est une belle chanteuse avec un beau timbre et une excellente présence sur scène ; le seul élément que je qualifierais de perfectible est sa diction en anglais. Un mot gênant ici et là trahit son accent québécois, ce qui n’est peut-être pas idéal pour interpréter le répertoire d’Ella, mais c’est une caractéristique assez inoffensive dans son interprétation.
Dans l’ensemble, je suis d’avis que les membres de l’orchestre peuvent, et doivent, être fiers d’un travail bien fait alors que leur semestre s’achève. Je ne doute pas que, tant que l’envie est là, ces jeunes interprètes continueront à faire des progrès dans leur musicalité. Pour l’instant, ils devraient probablement rattraper un peu de sommeil avant leur session d’hiver. Et peut-être prendre un chocolat chaud…
crédit photo: Tam Lan Truong