À la veille d’une tournée européenne avec Ky Band ce printemps, le trio expérimental montréalais Yoo Doo Right a annoncé son retour avec son dernier EPThe Sacred Fuck. Nommé dans la longue liste du prestigieux Prix Polaris pour leur deuxième album A Murmur, Boundless to the East, sorti en juin 2022, Justin Cober (guitare, synthétiseurs, voix), Charles Masson (basse) et John Talbot (batterie, percussions) ont marqué les esprits avec leur son unique, mêlant habilement des éléments de krautrock, de shoegaze, de post-rock et de psychédélisme pour ainsi créer une atmosphère évoquant un accident de voiture au ralenti, des regards vers l’infini, nos propres failles.
Cette fois-ci, le groupe se plonge dans l’art de la narration cinématographique, tissant des scènes et des récits qui mettent en lumière toute la démarche artistique du groupe depuis sa création. Leurs compositions offrent une expérience sonore à la fois captivante et mystérieuse, Yoo Doo Right y manie l’art du collage expérimental à l’aide d’enregistrements faits sur le terrain. Armés d’un vieux magnétophone et d’une radio à ondes courtes, leurs morceaux semblent émettre des signaux capables de traverser le monde, évoquant l’époque des premières communications militaires et gouvernementales du début du vingtième siècle. Chaque morceau est conçu comme une énigme mécanique à décoder, suggérant un message illisible qui ne peut être véritablement déchiffré que par ceux qui savent lire avec le cœur.
Des chiffres chuchotés en allemand, une vieille chanson au ralenti, les applaudissements frénétiques d’une marche de protestation, une improvisation onirique au violon dans les couloirs d’une station de métro, des voix solennelles qui crépitent… Chacune de ces images abstraites, bien que déconnectées les unes des autres, incarne une histoire tangible, née d’une souffrance réelle et d’un profond désarroi.
La spontanéité artistique, cette immortelle baise sacrée, est ici utilisée comme un baume thérapeutique, brouillant les frontières entre angoisse et espoir, et transformant le poids des préjugés et du chagrin en une transe libératrice avec le final FULL HEALTH (BBB).
Cet EP est une invitation sincère à se tenir ensemble, à foncer tête baissée dans l’œil du cyclone, en gardant la bouche ouverte, avec un doux sourire, la langue un peu en retrait, le poing serré contre la poitrine et les pieds armés de bottes.