C’est toujours avec une certaine fébrilité que l’auteur de ces lignes plonge dans un nouvel album du plus célèbre des reggae-men francophones, qui nous a encore livré une solide performance en juillet dernier lors du Festival Nuits d’Afrique.
En ouverture de son onzième album studio, l’Ivoirien de naissance y va d’un duo avec Gros Tas de Salade, euh… Grand Corps Malade! Hélas, et comme c’est souvent le cas, le slameur français nous sert des louches de racoleuses rimes à l’eau de prose aux prétentions humanistes. Et si cela ne suffisait pas, il pousse aussi la note dans la chanson Enfant de la rue. Malaise.
Heureusement, le porte-étendard du reggae revient aux choses sérieuses avec Religion. Une pièce courageuse où, dans la langue de Marley et en dialecte africain, il s’en prend à ceux qui tuent au nom de la religion : « If you decide to kill yourself/Do it alone/If you want to go to your paradise/Go there alone/Don’t bring the kids/Don’t bring innocent children. » Message direct et efficace.
Devenu un courant politique panafricain à lui tout seul au fil de ses quelque 30 ans de carrière, le charismatique chanteur de 54 ans revient une fois de plus, en français, en anglais, en dioula et en bambara, sur ses sujets de prédilection que sont l’appel à l’union des peuples d’Afrique, ainsi que la dénonciation de la corruption, de la dictature et du népotisme, notamment dans la chanson titre de l’album, l’accrocheuse Braquage de pouvoir. Probablement l’autre hymne hyper fédérateur de cet album qui fera tanguer les foules en spectacle, avec le tube en devenir Le peuple a le pouvoir.
Toujours en phase avec son époque, il évoque également le triste de sort des migrants dans Où est-ce que tu vas?. Saluons au passage la présence des excellents Amadou et Mariam sur la lumineuse Don’t Worry, ainsi que celle de Dub Inc sur un autre titre positif, Beau continent.
En somme, bien que les rimes francos de l’artiste semblent parfois empruntées, le propos de cet album enregistré à Abidjan, Bamako et Paris est toujours aussi pertinent. Quant à l’architecture sonore, elle est très efficace, notamment dans les cuivres et les chœurs.
Cela étant dit, si la recette demeure une excellente bande-son de l’actu politique, on a parfois l’impression que Tiken Jah demeure dans sa zone de confort, alors qu’on souhaiterait qu’il explore des sentiers moins fréquentés. Une chanson plus intimiste ou personnelle, voire d’amour, par exemple.
Un album qui s’écoute très bien, mais qui n’étonnera pas les personnes qui le suivent depuis longtemps… pour faire allusion à son classique Plus rien ne m’étonne.