La gigantesque explosion récemment survenue dans le port de Beyrouth a été d’autant plus terrible qu’elle aurait pu être évitée, et ses conséquences exigent une action immédiate. Parmi les nombreux musiciens et labels qui se sont portés volontaires, citons Morphine Records de Berlin qui, afin recueillir des fonds, a réussi à assembler en très peu de temps une anthologie de musique contemporaine et expérimentale remarquablement intéressante.
Les dégâts sont d’une telle ampleur qu’ils ont suscité toute une gamme d’émotions, comme en témoignent les diverses pièces réunies ici. Malgré le titre, la rage n’est pas au programme, bien qu’on sente une colère contenue dans Forza, de Neel. La crainte est à l’origine de Sans Titre, une collaboration entre le compositeur torontois John Kameel Farah et Thomas Brinkmann, vétéran du mouvement techno minimal. On retrouve aussi certaines pièces anxiogènes comme Ghadab de Rabih Beaini, tête dirigeante du label Morphine, et le oud fragmenté de Qaluli (they told me), de Radwan Ghazi Moumneh (Jerusalem In My Heart). D’autres sont plus méditatives, notamment Onde, de Donato Dozzy, et les bourdons diaphanes de Reprise, de Stefan Fraunberger. Le deuil y occupe aussi une place de choix par le biais du duo tchèque d’Irena et Vojtech Havlovi dans Radek 2, qui brise le cœur. Il y a même une faible note d’espoir dans le « matraquage » de Rashad Becker; le ton est tragique, mais empreint d’un esprit malicieux.
Toutes les recettes seront versées à des ONG qui font un travail essentiel sur le terrain à Beyrouth, une ville qui doit être reconstruite aussi sûrement que la misérable classe politique libanaise doit être démantelée.