Lorsque je me sentais moche, angoissé ou dans un état de malaise général, durant mes années d’études secondaires, j’observais le rituel suivant : après avoir fumé un peu d’herbe, je m’allongeais sur le plancher de ma chambre et j’écoutais au complet l’un des albums des Mars Volta. C’était thérapeutique et un peu malsain, car les paroles et la musique d’albums comme Frances The Mute, Deloused in the Comatorium et Amputechture me mettaient à l’épreuve et m’étourdissaient. C’était ma messe à moi.
Je me souviens du jour exact où l’on m’a présenté le monde tortueux des Mars Volta. J’avais dit à un de mes amis que j’aimais beaucoup King Crimson, et il m’avait fait écouter Deloused,. Dès la première pièce, j’ai été happé par les paroles indéchiffrables – en anglais et en espagnol – de Cedric Bixler-Zavala, les riffs punk-prog complètement cinglés d’Omar Rodríguez-López et les transitions entre la batterie tonitruante et la légèreté des percussions latines. J’ai consacré la semaine suivante à dévorer un tas de leurs autres albums, à tenter d’apprendre le style de guitare d’Omar, puis à découvrir At The Drive-In, leur formation post-hardcore initiale, ainsi que la discographie solo prolifique d’Omar. Donc, ce groupe compte beaucoup pour moi. Cela faisait près de dix ans que je n’ai pas entendu de nouveautés de leur part, outre Landscape Tantrums, qui contenait des inédits de Deloused. Or, ils lancent ces jours-ci leur septième album, l’homonyme The Mars Volta.
Ce groupe texan, qui entre dans la catégorie « rock progressif » et « rock tout ce que vous voudrez », a toujours fait ce qu’il voulait et, ce faisant, a perdu et gagné des auditeurs. Après la sortie de Noctourniquet en 2012, je n’arrivais pas à négocier avec eux ce virage pop.
Étonnamment, ce nouvel album homonyme vient vraiment me chercher, même si les membres du groupe le qualifient de « pop ». Peut-être bien que je vieillis, mais pour moi cette musique est toujours aussi gigantesque et envoûtante. À cause des textes de Cedric sur l’occulte, les gouvernements corrompus et la science-fiction, qui demeurent énigmatiques mais sont beaucoup plus vulnérables et directs. Et du boulot d’Omar aux guitares et à la réalisation, même si ce n’est pas aussi débridé qu’avant.
Il y a tellement de choses à découvrir sur cet album : la boucle de percussions caribéenne et la guitare complexe de Blacklight Shine, l’attitude punk-rock et hip-hop de No Case Gain, la nostalgie des anciens albums avec Flash Burn From Flashbacks, le jam hypnotisant de The Requisition… Cet album a été créé dans une perspective exploratoire, avec une attention particulière aux détails.
La première moitié de l’album est plus axée sur les ballades. Les paroles de Cedric se répercutent dans des pièces comme Shore Story et Vigil, s’inspirant de la pop des années 80 à la Bowie et même du hip-hop et du jazz modernes. La deuxième portion, qui commence au milieu de Palm Full Of Crux, devient plus lourde, non seulement musicalement, mais aussi du point de vue personnel. Encore une fois, bien que je n’aie aucune idée de ce que raconte No Case Gain, j’ai l’impression de mieux connaître la vie personnelle de Cedric. Tout cela reste subjectif, bien sûr.
Si vous ne démordez des Mars Volta en mode « prog obscur », je vous incite à faire preuve d’ouverture en abordant cet album, en vous abstenant de le comparer aux précédents. Aimez-le pour ce qu’il est, c’est-à-dire une œuvre d’art complexe et surréaliste. Et si vous entrez pour la première dans l’univers du groupe, amusez-vous bien.