Superbe idée que de réunir en un coffret la trilogie orchestrale inspirée au compositeur américain John Luther Adams par ses observations de la nature. Become Ocean est certes la plus connue, l’œuvre ayant remporté en 2014 le Prix Pulitzer de la musique et le Grammy de la meilleure « composition classique contemporaine ». C’est alors qu’il commençait à travailler sur cette commande du Seattle Symphony qu’il a été invité à en réaliser, en quelque sorte, une réduction pour orchestre de chambre, qui a mené à ce qui est devenu le début de la trilogie, Become River, dont le Saint Paul Chamber Orchestra a donné la création en 2014. L’œuvre est endisquée ici pour la première fois par l’orchestre de Seattle, sous la direction de Ludovic Morlot.
Le résultat sonore auquel parvient Adams démontre une magnifique maîtrise des couleurs et des dynamiques de l’orchestre. Ses œuvres sont de longs drones en développement constant, se retournant sur eux-mêmes pour une accalmie avant d’exploser à nouveau. C’est particulièrement réussi dans Ocean, alors que la musique passe du ténu au tellurique à plusieurs reprises au fil des 42 minutes que dure ce long mouvement qui semble bouger au gré des marées. L’orchestre est séparé en trois sous-ensembles « aussi distants que possible » (c’est d’actualité!), et l’immensité spatiale de la musique est rendue avec brio par l’enregistrement. L’expérience doit évidemment, malgré tout, être encore plus satisfaisante en concert, particulièrement dans le cas de Become Desert, alors que l’orchestre, augmenté d’un chœur d’une trentaine de voix, est séparé en cinq sous-ensembles placé autour du public et jouant chacun selon son propre tempo. C’est d’abord la lumière du désert que l’on entend dans ce paysage sonore qui prend tout son temps pour se construire, puis c’est l’espace qui sonne et se transforme en immensité avant de s’étioler doucement (l’œuvre dure elle aussi 40 minutes). À l’écoute, comme le suggère le titre, c’est l’auditeur qui « devient », rivière, océan ou désert.
John Luther Adams a un important catalogue d’œuvres et c’est un autre de ces nombreux compositeurs américains que l’on serait trop heureux de pouvoir entendre à l’occasion dans nos salles de concert. En attendant que ça redevienne un rêve atteignable, ces trois CD sont un excellent substitut.