On le sait, le jazz a de nouveau le vent dans les voiles et la ville de Chicago est un des pôles autour desquels s’articule cette renaissance. Une tribu de jeunes artistes souvent associés à l’étiquette International Anthem a su s’illustrer en redonnant à la note bleue sa pertinence et ses lettres de noblesse. Ce n’est toutefois pas d’hier que des musiciens allumés originaires de la Ville des Vents secouent le genre afin de mieux le dépoussiérer. Fondée en 1965 par le pianiste Muhal Richard Abrams, l’Association for the Advancement of Creative Musicians regroupe des créateurs aux idées novatrices tels Anthony Braxton, Henry Threadgill, Jack DeJohnette, les membres du Art Ensemble of Chicago ainsi que, plus près de nous, Nicole Mitchell et Matana Roberts. L’album Sun Beans of Shimmering Light met en vedette trois des membres de ce regroupement, soit le trompettiste Wadada Leo Smith, le multi-instrumentiste Douglas R. Ewart et le batteur Mike Reed.
Ce disque est en fait une captation d’un concert datant de 2015. Peu de temps avant la prestation, le trio s’était rassemblé autour de partitions graphiques amenées par Smith et Ewart. Les pièces jouées ce soir-là tiennent donc autant de l’improvisation libre que de la musique plus organisée. Le trio s’y montre hautement imaginatif, créant des paysages sonores à couper le souffle comme l’introduction de Constellations and Conjunctional Spaces, morceau d’ouverture de l’album. Lentement mais sûrement, la trompette de Smith et le basson de Ewart y dessinent un paysage dont la splendeur impressionne. Par la suite, Reeds brode autour des lignes tracées par les deux souffleurs dont le jeu s’intensifie jusqu’à ce qu’Ewart déclenche la tempête avec son étourdissant saxophone sopranino. Les choses se calment sur la pièce-titre alors que la flûte qu’Ewart sort de son arsenal dialogue tout en douceur avec la trompette. Plus loin, Unknown Forces donne à Smith l’occasion de briller dans un solo éblouissant d’une durée de cinq minutes avant qu’il ne soit rejoint par Reeds qui se montre toujours aussi créatif et Ewart qui retourne, de brillante façon, au basson. Joué par des novices, le jazz free peut s’avérer redondant, mais entre les mains de tels maîtres, il se transforme en feu d’artifice d’inventivité.