Joey Proteau est Gaspard Eden. Ce garçon a tout de l’esthète. À défaut d’être un artiste vraiment original, pour l’instant du moins, il sait fort bien jouer avec les couleurs, les sons, les formes, le look. Ses références sont citées avec soin et rigueur, la ténuité apparente de ses chansons révèle une solide démarche esthétique. Sa voix de ténor vaporeuse rappelle plusieurs chanteurs américains, à commencer par le surdoué Sufjan et une pléthore de ses prédécesseurs. Sa musique, elle, est beaucoup plus simple que celle de Sufjan; des rythmes lents ou moyens soutiennent de belles accroches de guitares (acoustiques et électriques), de jolis arrangements et effets de studio, une belle variété de textures, des motifs et des refrains accrocheurs qui peuvent s’imprimer solidement dans les caboches. Indie rock à Saint-Roch, donc, exprimé en anglais avec un accent à peine perceptible. L’artisanat de Gaspard Eden investit un cocon sensuel et soyeux, avec des titres charmants tels Baby Black Hole, Bathroom Mirror, Dry Drunk, Pancakes… Lui faudra-t-il ensuite rebrasser les cartes et transgresser tout ce design, aussi léché soit ce design intégré par tout hipster qui se respecte ? Rien ne l’y oblige et rien n’obligera ses fans à l’y pousser. C’est dire qu’il pourrait faire un bon bout de chemin sur les plateformes d’écoute en continu… jusqu’à ce qu’un autre produit générique prenne sa place sur les étals.
