Woodkid a parfaitement saisi le pouvoir évocateur des fastes arrangements destinés aux musiques de films, particulièrement ceux choisis par les réalisateurs Andreï Tarkovski, Stanley Kubrick ou Jonathan Glazer. Selon ses dires, on peut ajouter les compositeurs John Barry, John Willams et tous les Hans Zimmer de ce monde à la collection des diffractions au menu de S16. On devine pourquoi Yoann Lemoine, aussi un artiste de l’image, qualifie son nouvel album d’« espèce de thriller de science-fiction intime». On l’a déjà observé en 2013 avec son album The Golden Age, Woodkid est vraiment doué pour intégrer à sa façon des concepts archi-connus et ainsi projeter des mirages d’originalité. Bref, il sait donner l’impression de véritable création en recollant des clichés grand public et en leur redonnant un lustre de nouveauté apparente. Cette fois, il y reprend les tensions dramatiques ressenties à l’écoute d’arrangements modernes ou romantiques et harmonisations connues de quiconque ayant assisté à un film de science-fiction ou d’espionnage. Ou encore laisse-t-il flotter les ondes douces-amères émanant d’un chœur d’enfants. L’artiste français (s’exprimant en anglais) se montre ingénieux en greffant des ornements synthétiques aux généreuses orchestrations de cordes et de cuivres (signées John Barrett) et réussit à créer une bande originale pour que chacun puisse se faire son cinéma. Les principaux facteurs de singularité (sinon les seuls) résident dans la voix légèrement ensablée de Woodkid et le propos relativement lourd de ses courts textes de chansons – crises relationnelles, rupture, questionnements existentiels, ambiances dystopiques… En somme, la cohabitation de tous ces facteurs est très réussie, sans que l’on puisse conclure à quoi que ce soit de majeur. Voilà plutôt l’idée que l’on peut se faire de la pop orchestrale en 2020.
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