À la fois introspective et expressive, la musique présentée par le Quatuor Esca sur l’album Fragments raconte avec chaleur un parcours fictif à la fois émotif et visuel. L’esthétique néoclassique (celle des années 1930 aux harmonies tonales chromatiques, moins l’actuelle avec ses harmonies très ouvertes et basiques) est accolée à une rythmique soutenue et répétitive de l’ordre du minimalisme américain. Le résultat est facile d’accès sans être volontairement séducteur, voire racoleur.
Pourquoi me perdre en explications quand le compositeur François Vallières lui-même est bien plus éloquent ?
Vous vous direz peut-être en écoutant Fragments qu’on pourrait faire un petit film sur cette musique… Et vous aurez vu juste, car c’est déjà fait!
Bruno Labrie à la réalisation et Denis Durocher au scénario ont créé un accompagnement visuel léché et touchant qui nous transporte dans le périple d’un jeune photographe qui apprend qu’il perdra bientôt la vue.
L’avantage de cette mise en scène est qu’elle offre une dimension contemporaine et personnelle à une musique harmoniquement conservatrice. Les images et les commentaires du personnage principal approfondissent le bouillonnement sonore ou la sombre mélancolie des quatre courts mouvements de l’œuvre, que l’on pourrait qualifier aussi de quatuor à cordes narratif. On perçoit avec plus d’acuité les remous et les apaisements des états d’âmes changeants et envahissants qu’une telle fatalité doit imposer à quiconque la subit.
Les quatre membres du Quatuor Esca, Amélie Lamontagne (premier violon), Edith Fitzgerald (second violon), Sarah Martineau (alto) et Camille Paquette-Roy (violoncelle), habituées aux collaborations pop et indies mais solidement formées au classique, transmettent efficacement la respiration narrative et émotionnelle de la musique.