Dès le premier instant de Montreal, on erre dans l’éther avec Allison Russell. Elle chamanise d’emblée le musicophile au moyen d’un timbre et d’intonations qu’on croirait transmigrés de Betty Carter. Alors qu’Allison subissait les sévices de son père adoptif – représenté sous les traits d’un chacal dans cette chanson –, la métropole québécoise la réconfortait. L’ombre des cathédrales de Montréal entourait Allison comme les bras d’un être bienveillant. La ville lui ouvrait des fenêtres sur l’infini. L’air de Nightflyer, la pièce suivante, se meut langoureusement. « I’m a midnight rider » chante Allison Russel; contrairement au fugitif que célébrait Greg Allman, on a ici une cavalière nocturne qui fait face à tout. Dans Persephone, la déesse grecque du titre se retrouve à Nashville, l’Athènes du Sud. Le long trajet Afrique-Grenade-Montréal est évoqué sur 4th Day Prayer, en mode soul syncopée et rehaussée de gospel. Puis, si The Runner devient le tube country-rock de l’été 2021, n’allez pas croire que Feist en est l’interprète. Une clarinette ensorcelante prélude Hy-Brasil, solennel hommage à l’aïeule écossaise d’Allison qui chante ensuite, en français, « Le cœur de l’enfant est le cœur de l’univers » dans The Hunters. All of the Women est à la fois negro spiritual et réquisitoire contre les féminicides. On peut facilement imaginer, aux chœurs, les voix des sœurs spirituelles qui forment avec Allison le quatuor Our Native Daughters : Amythyst Kiah, Leyla McCalla et Rhiannon Giddens. Daniel Lanois n’était pas aux manettes lors de l’enregistrement de la pièce Poison Arrow, mais on perçoit son influence dans les échos vocaux. Little Rebirth commence comme une mélopée, avec un discret accompagnement au banjo, puis la voix d’Allison Russell culmine en beauté cristalline à mesure que les percussions gagnent en intensité. Ce recueil prend fin sur Joyful Motherfuckers, qu’Allison chante conjointement avec son conjoint et partenaire du duo Birds of Chicago, JT Nero. Pour sa richesse vocale et musicale, pour la justesse et l’intelligence avec lesquelles sont abordés ses thèmes délicats, pour son éclectisme cohérent et pour sa beauté immanente, Outside Child est un album capital.
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