Allison Russell: s’affranchir d’un passé douloureux, chanter la guérison

Entrevue réalisée par Louis Garneau-Pilon
Genres et styles : americana / country / indie folk / southern soul

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Le 21 mai marquait la sortie d’Outside Child, premier album solo d’Allison Russell. Ayant fait ses armes dans les groupes folk/americana Po’ Girls et Birds Of Chicago, la chanteuse de 41 ans est maintenant prête à voler de ses propres ailes. Teinté de southern soul et de country, son projet folk est une exploration profonde du traumatisme, de sa jeunesse et de son amour pour Montréal. À peine quelques heures avant la sortie d’Outside Child, Allison Russel en discute avec PAN M 360

PAN M 360 : Pouvez-vous nous décrire Outside Child ?

ALLISON RUSSELL : C’est très éclectique ! Quand je crée les chansons d’un album, ce n’est presque jamais calculé. Ce sont les gens que j’ai choisis pour enregistrer qui vont définir ce style. J’ai joué avec ce que j’appelle ma famille d’artiste pour plusieurs projets et plusieurs années. C’est comme mes frères et mes sœurs d’art et de chansons. Il fallait que mes sœurs chantent avec moi ; Yola, Erin Ray, The McCreary Sisters. Je savais aussi que je voulais travailler avec mes frères artistiques ; Jamie Dick à la batterie et Dan Knobler à la production. Sans oublier Joe Pisapia qui a joué de la guitare et mon partenaire JT Nero. C’était comme avoir toute ma famille au studio. Je n’ai jamais eu l’impression d’être seule. On créait les arrangements ensemble et on découvrait les chansons ensemble au fur et à mesure. 

PAN M 360 : Outside Child est-il différent de vos projets passés ?

ALLISON RUSSELL : Oui. C’est un album très personnel. Il s’agit d’un cycle de chansons qui explore mon enfance qui fut une période très sombre. J’ai été victime de beaucoup de violence à la maison ; sexuelle, psychologique, physique. Mon père adoptif était un homme très malade qui a terrorisé notre famille pendant une dizaine d’années. Ce fut une période difficile, mais je suis très chanceuse d’avoir été à Montréal. C’est une ville pleine d’art, de gens sympathiques. J’ai rencontré une communauté d’amis qui m’a vraiment donné un abri quand j’en avais besoin. L’histoire d’Outside Child prend racine dans mon enfance traumatisée, mais n’est pas que l’histoire de mes malheurs. Je raconte plutôt la libération de cette violence et ma découverte de la transcendance de l’art. J’explore la guérison et le soulagement d’avoir choisi ma famille où la communication est facile.

PAN M 360 : Cette exploration personnelle a-t-elle été  thérapeutique ?

ALLISON RUSSELL : Absolument ! C’était thérapeutique. C’est très important pour moi de faire part de ce que tant de gens vivent ; la violence sexuelle, la violence raciste, les tristes souvenirs. Je veux en parler pour dénoncer les abuseurs qui sont aidés par notre silence. Maintenant, je suis mère et ma fille a 7 ans. C’est crucial pour moi d’arrêter ces cycles de haine. Je ne veux pas que mon enfant vive à travers ces événements. 

PAN M 360 : Outside Child est un album très personnel. Croyez-vous que la musique devrait toujours avoir ce style personnel ?

ALLISON RUSSELL : Je crois que même si ça ne l’est pas directement, l’acte de création est tellement personnel. Même si on décrit la vie de quelqu’un d’autre ou quelque chose hors de l’expérience humaine, on met quand même beaucoup de soi dans la création. C’est l’artiste qui fait l’art. D’une manière ou d’une autre, c’est toujours un peu personnel. Mais non, je ne crois pas que chaque œuvre doit être autobiographique. J’écris beaucoup de chansons qui ne sont pas directement sur moi. L’art prend une certaine honnêteté émotionnelle. Mais il n’est pas nécessaire de rester centré sur soi-même. 

PAN M 360 : Beaucoup de chansons sont en franglais. Pourquoi cette touche linguistique ?

ALLISON RUSSELL : J’ai été dans une famille d’accueil pour presque 4 ans. J’ai été arrachée des bras de ma mère avant l’âge de 2 ans. Celle-ci était une enfant quand elle m’a eue. Elle était affectée par une schizophrénie non diagnostiquée, donc elle ne recevait pas l’aide dont elle avait besoin. C’était une situation critique et j’ai été placée dans une famille d’accueil francophone. Pendant presque 4 ans, mon environnement est devenu totalement français. Après je suis retournée habiter avec ma mère anglophone et son mari américain. Je n’ai pas perdu la langue. Toute mon école primaire s’est faite en français. Même au secondaire où j’étudiais en anglais, j’ai fait plusieurs cours dans la langue québécoise. J’adore cette façon de parler; c’est très musical. Parfois même, je rêve en français. Je ne veux pas perdre ça totalement. Ça fait plusieurs années que je suis dans un environnement entièrement anglophone. J’essaie de lire, de regarder des films et écouter de la musique en français. Avoir accès à ce langage est une richesse. Chanter en franglais fut vraiment naturel pour moi. Certaines paroles me sont vraiment venues comme ça. Après tout, je crois que ma mémoire est en franglais. J’en suis donc resté fidèle.

PAN M 360 : Voilà 4 ans que vous avez déménagé à Nashville. Cette ville vous inspire-t-elle différemment que Montréal ?

ALLISON RUSSELL : Oui. C’est intéressant de voir à quel point il y a beaucoup d’influences françaises dans le sud. Peut-être plus en Louisiane, mais aussi à Nashville où nous pouvons entendre plusieurs mots français et voir la fleur de lys partout. La culture acadienne a après tout été cruciale pour la musique de la région. Je suis venue surtout pour travailler et vivre avec ma communauté. Il y a toutes sortes de Canadiens établis à Nashville. Ici, j’ai une famille très proche, très sympathique et très créative. Il ne manque pas de travail artistique. J’ai quand même le mal du pays. On parle tout le temps de revenir au Québec. C’est important pour moi que ma fille passe par l’expérience de Montréal. On reviendra un jour.

PAN M 360 : Comment avez-vous trouvé l’expérience en tant qu’artiste solo ?

ALLISON RUSSELL : Pour moi, c’est encore surréaliste  ! On est encore en pandémie donc tous les spectacles sont virtuels. Je crois que je vais mieux  le comprendre quand je pourrai donner des spectacles devant un public. J’aurai  la chance d’être au festival de Newport cet été et plusieurs petits spectacles aux États-Unis. On espère visiter le Canada si possible. 

Maintenant que je dirige mes musiciens, j’exerce mon propre leadership. C’est important pour moi d’écouter et de faire attention à mes amis. J’aimerais que ce soit une expérience enrichissante pour tout le monde. It’s not all about me, nous faisons tous ensemble un effort collectif. C’est important que chacun réalise son importance. Je veux prendre des décisions qui avantageront tout le monde. 

J’ai déjà commencé à écrire un autre album ! Je suis très chanceuse d’avoir autant d’amis artistes. Même mon nom  est inscrit sur ce projet, c’est tout un groupe d’artistes que j’adore qui m’a aidé.

PAN M 360 : Que voudriez-vous que les gens retiennent d’Outside Child ?

ALLISON RUSSELL : Je veux que les gens qui vivent une situation de violence domestique ou de traumatisme comprennent que ce sont des circonstances qui peuvent mener à une amélioration. C’est possible d’accéder à une réalité différente. Nous ne sommes pas prisonniers de nos cicatrices. La vie, c’est plus que ça. Nous ne sommes jamais seules et il y a toujours quelqu’un pour nous aider. L’amour existe et les choses peuvent s’améliorer.

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