Elle tourne depuis déjà quelques milliards d’années, la Vieille Boule, tandis que les amours se font et se défont. Heureusement pour les musiciens car, pour parler cru, l’absence de ruptures priverait beaucoup de créateurs de leur vache à lait. Heureusement pour les musicophiles aussi, car les albums de rupture pullulent et sont souvent très réussis. Songeons à Louis-Jean Cormier et Les grandes artères, à Dominique A et Remué, à Björk et Vulnicura ou à The Chicks et Gaslighter, recensé tout récemment ici même.
C’est aujourd’hui au tour de la presque trentenaire Courtney Marie Andrews de graver son nom sur le grand chêne des cœurs brisés. Arizonienne d’origine et Nashvilloise d’adoption, dame Andrews fut musicienne-accompagnatrice auprès des princes emo Jimmy Eat World et de l’extrêmement prolifique Damien Jurado, avant de se lancer fructueusement à son compte. À peine une dizaine d’années plus tard, Courtney Marie s’est déjà constitué un corpus giboyeux qui comprend le remarqué et remarquable album May Your Kindness Remain, publié en 2018.
La sobriété et la délicatesse règnent sur Old Flowers. Courtney Marie Andrews s’accompagne à la guitare et au piano, en formation réduite avec James Krivchenia et Matthew Davidson, respectivement batteur chez Big Thief et multi-instrumentiste se faisant appeler Twain. Écouter Old Flowers équivaut à regarder Un dimanche à la campagne de Bertrand Tavernier; tout est calme, rien ne semble bouger, mais il se passe des trucs. « Mais au fond tu sais fort bien – Que nul ne peut te remplacer », affirme Courtney Marie sur Burlap String, qui ouvre l’album. Des mots lucides, incisifs, désenchantés et, espérons-le, libérateurs pour la jeune créatrice.
Un tressaillement rythmique survient au milieu de l’album, dans la chanson-titre. Le calme revient le temps de Break the Spell, puis It Must Be Someone Else’s Fault marque un dernier soubresaut de tempo. Ensuite, on vogue doucement vers Ships in the Night, compatissante conclusion où miss Andrews chante « J’espère que tu bois moins – Que tu ris et que tu aimes ». Courtney Marie Andrews puise son inspiration chez la mère Mitchell, comme des centaines d’autres folkies. Elle en est une digne héritière, et ça, il n’y en a pas tant.