Quand vous ferez jouer Music From Wei du compositeur canadien Nick Storring, vous aurez tout de suite le sentiment d’entendre une musique de chambre étoffée. Mais ce sera une erreur! Tous les sons, tous les timbres, toutes les textures, les mélodies, les couleurs de ce court voyage dans des landes mi-ambient mi-minimalistes sont tirées d’un seul instrument, le piano.
L’histoire est la suivante : Storring s’est vu commander une œuvre pour accompagner une création de la chorégraphe torontoise Yvonne Ng. Pour des raisons d’économie et d’efficacité, Storring a décidé d’utiliser un seul piano, mais de toutes les manières imaginables, plutôt que d’avoir à transporter toute une ribambelle d’instruments en avion vers le site de la création : Banff en Alberta. Plus les semaines avançaient, plus Storring trouvait de nouvelles façons de créer des sonorités disparates, lesquelles demandaient à être combinées par la suite afin de créer l’illusion d’un ensemble de plus grande envergure.
Tout y passe : des objets de toutes sortes entre les cordes (la technique du piano préparé), des archets pour frotter, des baguettes et des bâtons pour frapper et même l’utilisation d’un Disklavier pour malaxer la pâte sonore.
Le résultat est super attrayant et entièrement redevable au compositeur, parce que, toutes ces triturations auraient pu être utilisées de manière abrasive et uniquement cérébrale. Or, Storring est allé ailleurs. Il a créé une trame sonore largement contemplative et néo-impressionniste, mais frémissante, et qui s’accommode fort bien d’éléments minimalistes répétitifs plus actifs. Aussi, mais plus rares, des passages où un groove vaguement hip hop nous rappelle que nous ne sommes pas en 1960, mais bien en 2022.
Laissez-vous embarquer dans ce (trop court) voyage et ses paysages scintillants, nimbés d’une aura surtout pensive qui se conclut (presque) sur une finale digne de Music in Twelve Parts de Glass.