Pays : États-Unis Label : NSO Genres et styles : musique contemporaine Année : 2023

National Symphony Orchestra / Gianandrea Noseda – George Walker : Five Sinfonias

· par Frédéric Cardin

George Walker est né en 1922 et mort en 2018. Ce compositeur noir étasunien, contrairement à plusieurs de ses prédécesseurs (William Grant Still, Adolphus Hailstork, Florence Price), n’a que très rarement utilisé le jazz, le blues ou les negro spirituals comme source d’inspiration pour ses oeuvres. Il était au contraire profondément attaché au modernisme harmonique de tradition européenne et ce, jusqu’à la fin de sa vie. Celui qui a étudié le piano avec Rudolf Serkin et remporté un prix Pulitzer en 1996 pour Lilacs, à déclaré ceci en 2012 : 

J’ai toujours pensé en termes universels, pas seulement à ce qui est noir ou américain, mais simplement à ce qui a de la qualité 

  • George Walker lors d’une interview à l’occasion de son 90e anniversaire

Les Sinfonias, au nombre de cinq, ont été écrites entre 1984 et 2016, et couvrent donc la dernière partie de la vie de Walker, celle de sa maturité professionnelle. Elles offrent aussi un condensé efficace du langage musical du compositeur. Résolument moderniste dans ses harmonies, mais jamais strictement atonal. On pourrait évoquer Hindemith ou Stravinsky passé subtilement à travers le spectre d’Elliot Carter. Si toutes les Sinfonias naviguent dans les mêmes eaux sonores et font preuve d’une puissante cohérence intellectuelle, leur caractère change au fil du temps. 

La Sinfonia no 1 est exigeante et construite de morceaux épars et disjoints qui coalescent grâce à l’humanisme communicatif dont Walker imprègne toujours son écriture, ainsi qu’un bon sens du rythme. La Sinfonia no 2 est plus charnue, avec des élans de cordes amples. on perçoit aussi un lyrisme affirmatif à travers de fort beaux solos de bois. La Sinfonia no 3 conserve le même coffre orchestral, mais est plus sombre, plus grinçante. Toujours de très belles couleurs et textures, par contre. Walker était un habile orchestrateur.

La Sinfonia no 4 porte un titre : Strands. Dans celle-ci, et pour une rare fois, Walker insère des filaments, ou brins (‘’strands’’) de mélodies populaires, ici deux negro spirituals, There is a Balm in Gilead et Roll, Jordan, Roll. Ne vous attendez pas à les fredonner, ils sont si subtilement intégrés que seuls des échos seront perceptibles aux mélomanes très attentifs. Pour le reste, la maîtrise des effets et des juxtapositions créatives de sonorités de Walker est à son maximum. Le résultat est une œuvre de grande classe, fièrement moderniste et très stimulante pour quiconque voudra bien y accorder du temps et de la réceptivité. Il y a, de plus, un lien québécois avec Strands : elle a été créée en 2012 par l’Orchestre symphonique du New Jersey sous la direction de Jacques Lacombe.

Finalement, la Sinfonia no 5, ‘’Visions’’, l’ultime opus du compositeur créé en 2016, n’a malheureusement rien d’un testament optimiste. C’est en réaction à une tuerie raciste que Walker l’a écrite, celle du 27 juin 2015 perpétrée par un suprémaciste blanc dans une église noire de Caroline du Sud et ayant fait neuf morts. L’œuvre est empreinte de colère et de déception face à une bêtise humaine teintée de profonde malveillance et tragiquement perpétuelle. À l’orchestre s’ajoutent un quintette vocal de soprano, ténor, deux barytons-basses et basse. Les idées musicales s’entrechoquent avec peu de répit et n’arrivent jamais vraiment à s’entendre. Ce testament musical est peut-être rude, mais il a le mérite d’être en parfaite adéquation avec l’authenticité et la sincérité viscérales de l’artiste, l’un des grands du 20e siècle, et qui demeure encore trop méconnu.

Le National Symphony sous la direction de Gianadrea Noseda est excellent. Noseda insuffle pleine vie à cette importante musique contemporaine. 

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