Étrangement, c’est en anglais que l’on utilise « snipette », alors que le terme français est « snippet »… Il s’agit selon Wikipédia d’une « petite portion réutilisable de code source ou de texte, (…) à incorporer dans des modules plus larges ».
Le tout premier opus du joueur de tourne-disques Martin Tétreault, Des pas et des mois (1991), était dans le même esprit, qui ne craint vraiment pas d’avoir recours à l’humour, que ce que l’on trouve sur les collections de « snippettes » dont ce volume est le troisième. Après ses premières expériences, alors qu’il utilisait beaucoup la « citation », c’est-à-dire des extraits de disques dont on peut encore reconnaître le contenu, instruments, bruits divers ou bribes de monologues absurdes, Tétreault a exploré toutes les manières de jouer du tourne-disques sans disque, comme d’autres font du « no input », ou avec des « disques préparés », tel un John Cage du phonographe.
À travers ses nombreuses collaborations, ici et ailleurs, avec René Lussier, Michel F. Côté, Diane Labrosse, Otomo Yoshihide et bien d’autres, incluant son propre quatuor de tourne-disques, Tétreault est devenu un maître dans l’art de faire chanter (si j’ose dire) les platines sur tous les tons. Mais on ne se lasse pas du Tétreault première manière, qui glisse une imprécation lancée par un hypnotiseur amateur entre un tango déjanté et un « trois dans un » épileptique (le « trois dans un » étant fait à partir de trois disques qui sont découpés en tiers, l’artiste prenant ensuite un tiers de chacun pour reconstituer un disque entier – ça swingue sur un moyen temps). On était donc heureux quand Ambiances Magnétiques a publié sur CD en 2007 le premier volume Snipettes ! (et Morceaux choisis), paru sur cassette à tirage limité en 1992. Puis, en 2018, surprises! Plus de Snipettes !! était lancé, toujours chez Ambiances Magnétiques.
Le troisième volume, Vraiment plus de snipettes !!!, a ceci de particulier qu’après une floppée de snipettes, il nous donne l’occasion d’entendre Tétreault live, dans un concert enregistré en 1994. On y découvre aussi la « Méthode Zappa », où la batterie de Sandy Nelson accompagne la guitare de Tony Romandini dans ce qui évoque la xénochronie du compositeur américain (notons que des informations sur les disques utilisés, tous plus obscurs les uns que les autres, sont incluses). Dans l’ensemble, ça part dans tous les sens et ça peut écorcher quelques neurones au passage, alors on ne recommande pas l’écoute des trois volumes en une seule séance, à moins d’avoir des prédispositions, mais en petites doses ça fait du bien par où ça passe.