Batteur de jazz prolifique, compositeur, chef d’orchestre, réalisateur de premier ordre : Makaya McCraven est une sorte d’esprit universel de la musique. Depuis In This Moment, son premier album paru en 2015, McCraven s’est imposé comme une voix distincte dans la sphère jazzistique. Sept ans plus tard, soutenu par ses collaborateurs de longue date Jeff Parker, Junius Paul, Brandee Younger, Joel Ross et Marquis Hill, il nous présente In These Times qui s’avère, jusqu’à nouvel ordre, son magnum opus.
Makaya McCraven use d’un mode opératoire intégrant des improvisations brutes et des techniques de production évolutives pour créer ce qu’il appelle du « rythme naturel », une potion étrange dont les ingrédients proviennent du jazz, du hip-hop, du rock et des traditions folkloriques du monde entier. Puisque cette méthode de création évoque les collaborations hyperfunk de Miles Davis avec Teo Macero, McCraven ne réinvente pas la roue sur In These Times. Il porte néanmoins son art à un niveau inattendu, grâce à cet album qui a exigé sept ans de travail. In These Times fait aussi suite à une série de parutions qui ont permis à Makaya d’affiner son art et de voir ses compositions s’épanouir pleinement.
Dans son premier album, McCraven se servait de l’improvisation comme tremplin pour composer. Ici, cependant, ce sont ses compositions qui servent de socles à l’improvisation. Il en résulte un album plus soudé et plus délibéré que ses efforts précédents, compte tenu de cette trame prédéfinie qu’il peut orner et embellir. Au lieu de s’étendre sur de longs morceaux, McCraven propose onze paysages sonores courts, autonomes et magnifiquement conçus. Les récits sont plus sobres et plus élégiaques, véhiculant une sorte de désir spirituel que Makaya manie avec grâce. Ses fans doivent s’attendre à une excursion sonore plus jazzée et plus orchestrale, sur In These Times. La musique d’Alice Coltrane et de Dorothy Ashby semble avoir été un point de référence; l’album s’appuie fortement sur des passages luxuriants de harpe, des orchestrations riches et même du « baby sitar », pour faire bonne mesure.
Comme dans tout album de Makaya McCraven, le groove est la source d’où émerge la musique. In These Times vous fera bouger dans tous les bons sens du terme. Le titre de l’album fait subtilement allusion aux différents tempos qui entrent dans la composition des pièces. McCraven mérite une mention d’honneur pour avoir fait en sorte que ces tempos étranges ne semblent pas l’être, après tout. N’oublions pas qu’il se qualifie lui-même de « chercheur en rythmes ».