Cinq ans après la Maison de bois, Nicolas Boulerice construit sa Maison de pierres, deuxième volet d’un triptyque folklorique, à l’évidence inspiré du fameux conte Les trois petits cochons, recueilli au XIXe siècle par le Britannique James Halliwell, érudit et grand spécialiste de Shakespeare. Membre crucial de l’excellente formation trad québécoise Le Vent du Nord, Nicolas Boulerice interprète ici treize complaintes glanées en périphérie du confinement, soit à Saint-Antoine-sur-Richelieu où il vit; chansons de sa grand-mère, chansons de sa blonde, chansons redécouvertes dans des livres d’époque ou colligées par les folkloristes Jean-Paul Lanoie et Jean-Paul Guimond. La voix de Nicolas Boulerice, ténor très doué pour la voix de corps, est ici frugalement arrangée; le choix des textes sied fort bien à ce minimalisme impliquant la fluide contrebasse de Frédéric Samson et, occasionnellement, le violon d’Olivier Demers. La prise de son de Charles-Émile Beaudin y est exemplaire, assortie de sons captés dans la nature riveraine. La particularité musicale de cet opus réside dans l’union du phrasé jazzy de la contrebasse et du timbre singulier du soliste, élégant discours contrapuntique pourtant limité à deux lignes, sauf exceptions. Les qualités poétiques de cette Maison de pierres se trouvent dans la thématique du voyage, paradoxale en période d’immobilisme pandémique. Puisque nous sommes contraints au voyage intérieur vers l’Irlande, la France ou l’Allemagne d’antan, vers l’enfer ou le confessionnal, vers d’autres destinations de l’intérieur, voilà une occasion de décoller au sens figuré.
