Jeremy Gignoux est un Français installé à Calgary. Il joue du violon dans les cercles jazz et folk de la ville. Après un accident l’ayant arrêté un temps, Gignoux s’est mis à développer une approche totalement différente à ses compositions, celle de la lenteur et de l’extrême économie de moyens. Le principe initial de Odd Stillness est en effet très économe : un seul instrument, une seule note à la fois et un traitement multipiste. Gignoux a finalement tricoté un peu autour de la prémisse de départ en utilisant des duos et plus d’une note jouée par l’instrumentiste dans certaines pièces. Mais, exception faite de ces quelques incartades, le concept demeure assez fidèle tout du long. Aucune pulsation, des notes soufflées ou frottées doucement sans précipitation, sans aucune agressivité ni force excessive. Comme des soupirs, ces notes naissent et disparaissent tranquillement, superposées ou enchaînées avec d’autres et légèrement modifiées, grâce à la magie du multipistage.
Odd Stillness fait penser, un peu, à Music for Airports de Eno, mais version Spaceport on Sirius b.
Le résultat est, effectivement, une étrange, très étrange, immobilité. Un calme qui, pourtant, n’est pas trop inquiétant. La palette harmonique de Gignoux va rarement du côté de la pure dissonance (elle l’effleure), si bien que l’effet total demeure accessible, bien que… déroutant. L’exception est Repeath, la dernière plage, dont les grincements pendereckiens viennent bouleverser le sentiment de quiétude qui s’était installé. En un sens, c’est une bonne chose : Gignoux nous force ainsi à ne rien prendre pour acquis.
Comme une séance de yoga dans un univers parallèle, Odd Stillness invite à ouvrir notre esprit, sans trop d’inconfort ni d’insistance, mais en nous forçant quand même à faire un pas de côté vis-à-vis nos certitudes sonores.
Étrangement, mais assurément, beau et captivant.