Pays : Québec Canada Label : Chandos Genres et styles : classique / musique contemporaine / période romantique Année : 2023

Jean-Philippe Sylvestre; Elvira Misbakhova; Orchestre symphonique de Londres – Airat Ichmouratov : Piano Concerto; Viola Concerto no 1

· par Frédéric Cardin

Airat Ichmouratov est un compositeur québécois qui sonne comme le meilleur de Hollywood. Mine de rien, le Montréalais est en train de devenir un chef de file de la musique néo-romantique contemporaine et mondiale. Ses compositions, traditionnellement structurées en symphonies, concertos, quatuors, poèmes symphoniques, etc. sont jouées un peu partout sur la planète. Il y a de quoi, elles sont non seulement très accessibles mais surtout fort bien écrites et souvent remarquablement orchestrées, comme de bonnes musiques hollywoodiennes.

Prenons le cas du Concerto pour piano de 2012-2013. Dès le départ, on est en terrain familier et réconfortant : c’est Rach 3! On avance un peu, et on dirait Delerue. Plus tard, il y a Gorecki aussi, dans l’implacable avancée d’accords soutenus de l’orchestre sous les coups de semonce du piano (2e mouvement, grave solenne). Le 3e mouvement évoque Korngold dans l’explosion de couleurs initiales, puis un tourbillon de Saint-Saëns et Rimski-Korsakov dans l’épatante et spectaculaire fresque qui suit pendant presque dix minutes. L’écriture pour les bois, tout au long du concerto, est tout simplement éblouissante. On pense alors aux grandes trames sonores de James Horner dans les années 1980 et début 1990 (The Land Before Time, Willow, Star Trek II, Aliens, Krull, Cocoon, The Rocketeer, etc.) mais, bien sûr, avec un discours purement concertiste pleinement abouti. JP Sylvestre semble vibrer de bonheur avec cette partition lumineuse et héroïque, sincèrement pompière, et en fin de compte mauditement irrésistible.

L’album complet sera disponible sur toutes les plateformes le vendredi 16 juin 2023

Le Concerto pour alto en sol mineur est moins exubérant, mais aussi riche d’harmonies coussinées et de moirage orchestral. Parsemé d’éléments folkloriques occasionnels et surtout baigné dans un lyrisme élégiaque engageant, le Concerto profite de l’attention bienveillante et du jeu fluide d’Elvira Misbakhova, également conjointe d’Ichmouratov.

Il est assez fascinant de se laisser aussi facilement embarqur dans une musique que l’on sait être totalement imprégnée d’une esthétique musicale qui date de plus d’un siècle. C’est probablement parce que, si Ichmouratov est clairement (et volontairement) héritier de la grande tradition romantique (Rachmaninov, sort de ce corps!), il ne fait pas que la copier comme une recette de Riccardo : il la propulse en plein 21e siècle avec une opulence orchestrale et un type précis de richesse harmonique rappelle le Romantisme… cinématographique. Or, celui-ci a finalement réussi à être accepté par l’establishment de la musique savante moderne. Du coup, les compositeurs contemporains voulant faire du mélodisme peuvent s’y plonger à corps et plume perdue sans ressentir le besoin d’ajouter des épices chromatiques qui finissent par donner un entre-deux (ni trop moderne ni trop ‘accessible’’, mot longtemps honni) qui n’a jamais vraiment trouvé sa place. La musique du compositeur montréalais est romantique, certes, mais un romantisme qui est passé par des décennies hollywoodiennes. Ça n’aurait pas pu être écrit tel quel en 1920, ou 1890, par exemple. 

La musique d’Ichmouratov est donc un grandiose pied-de-nez aux puristes psycho-rigides qui ont si longtemps imposé à la musique contemporaine une bouderie du plaisir. Pourtant, si cette musique est éminemment agréable et plaisante, voire emballante, en restera-t-il quelque chose dans un siècle? Aura-t-elle remplacé le modernisme astringent pour de bon, ce dernier réduit à une mode cérébrale éphémère? Ou, au contraire, est-elle elle-même un effet de mode, un besoin de consonance temporaire après des décennies d’avant-garde hyper exigeante?

Rira bien qui rira le dernier, dit-on. Mais qui, justement?

 

Tout le contenu 360

Festival d’art vocal de Montréal | Un gala où la relève prend la scène

Festival d’art vocal de Montréal | Un gala où la relève prend la scène

Éli Doyon et la Tempête – Attraper le ciel avant qu’il tombe

Éli Doyon et la Tempête – Attraper le ciel avant qu’il tombe

Barbara Hannigan; Katia et Marielle Labèque – Electric Fields

Barbara Hannigan; Katia et Marielle Labèque – Electric Fields

Festival d’art vocal de Montréal | La Flûte enchantée pour conclure le mois lyrique de l’ICAV

Festival d’art vocal de Montréal | La Flûte enchantée pour conclure le mois lyrique de l’ICAV

Festival de Lanaudière | Kent Nagano : l’éternel, et attendu, retour

Festival de Lanaudière | Kent Nagano : l’éternel, et attendu, retour

Festival de Lanaudière | Sol Gabetta et les rencontres fortuites

Festival de Lanaudière | Sol Gabetta et les rencontres fortuites

Tyler, the Creator – DON’T TAP THE GLASS

Tyler, the Creator – DON’T TAP THE GLASS

Off Piknic avec Gorgon City, Dennis Ferrer, Riordan et Linska

Off Piknic avec Gorgon City, Dennis Ferrer, Riordan et Linska

Piknic Electronik | DJ Fuckoff met le feu pour le Pep Rally

Piknic Electronik | DJ Fuckoff met le feu pour le Pep Rally

Orford 2025  | Collectif9 : le folk qui innove et qui groove

Orford 2025  | Collectif9 : le folk qui innove et qui groove

Nuits d’Afrique 2025 | La prochaine étoile mondiale du blues touareg est née, et elle est à Montréal

Nuits d’Afrique 2025 | La prochaine étoile mondiale du blues touareg est née, et elle est à Montréal

Ross Lee Finney : Landscapes Remembered

Ross Lee Finney : Landscapes Remembered

Liza Lim : Musica viva #47

Liza Lim : Musica viva #47

Festival de Lanaudière | Les étincelles de Strauss, Schumann et Brahms à Joliette

Festival de Lanaudière | Les étincelles de Strauss, Schumann et Brahms à Joliette

Festival de Lanaudière | Franco Fagioli et la voix du bel canto

Festival de Lanaudière | Franco Fagioli et la voix du bel canto

Nuits d’Afrique | Manamba Kanté, une diva incontestable

Nuits d’Afrique | Manamba Kanté, une diva incontestable

Nuits d’Afrique | El Gato Negro, un félin pas comme les autres

Nuits d’Afrique | El Gato Negro, un félin pas comme les autres

Nuits d’Afrique 2025 | Un réacteur à fusion gnawa nommé Saïd Mesnaoui

Nuits d’Afrique 2025 | Un réacteur à fusion gnawa nommé Saïd Mesnaoui

Nuits d’Afrique 2025 | Sousou et Maher Cissoko : douceur et complicité

Nuits d’Afrique 2025 | Sousou et Maher Cissoko : douceur et complicité

Nuits d’Afrique | Las Karamba et leur salsa engagée

Nuits d’Afrique | Las Karamba et leur salsa engagée

Le féminin est pluriel au Festival d’opéra de Québec

Le féminin est pluriel au Festival d’opéra de Québec

Festival de Lanaudière | Une soirée chorale réussie pour Akamus

Festival de Lanaudière | Une soirée chorale réussie pour Akamus

Festival d’art vocal de Montréal | Former la relève en art lyrique, de la voix à la mise en scène

Festival d’art vocal de Montréal | Former la relève en art lyrique, de la voix à la mise en scène

Nuits d’Afrique | Soul Bang’s, le roi de l’improvisation

Nuits d’Afrique | Soul Bang’s, le roi de l’improvisation

Inscrivez-vous à l'infolettre