La première piste d’un album est un peu comme l’incipit d’un roman, elle est là pour donner le ton tout en piquant la curiosité de l’auditeur. Rares sont les disques qui s’amorcent avec la reprise d’une œuvre d’un autre artiste. Inner Song, le deuxième opus de la galloise Kelly Lee Owens, est de ceux-là puisqu’il s’amorce avec une relecture de Weird Fishes/Arpeggi de Radiohead. Le défi est d’ailleurs relevé avec brio : la musicienne démontre qu’elle peut s’emparer d’une pièce composée par un groupe aussi éminent pour la déconstruire, la refaçonner et y apposer sa griffe électro hypnotique.
Owens continue de planter le décor sur On, deuxième morceau de l’album, alors qu’elle met de l’avant l’autre composante principale de sa musique : son chant vaporeux hérité de la dream pop. L’alternance entre ces deux éléments place Inner Song dans un territoire bien à lui, quelque part entre la techno sophistiquée de Jon Hopkins et la pop arachnéenne de Beach House. Les moments forts se succèdent sur l’album. Dans le désordre, on passe des envolées vertigineuses de l’instrumentale Jeanette aux chants des sirènes disco de l’excellente Night; des permutations sonores imaginatives de Flow aux rythmes krautrock de Corner Of My Sky sur laquelle s’invite nul autre que le mythique John Cale qui récite, en anglais ainsi qu’en gaélique, un poème à teneur environnementaliste.
Les autres pièces chantées du disque abordent surtout des thèmes personnels tels que l’ambivalence des relations humaines et l’affirmation de soi. En fait, un des triomphes les plus éclatants de cet album est le mariage réussi entre le sentiment d’intimité qui s’en dégage et son esthétique taillée sur mesure pour les pistes de danse. De plus, grâce au travail minutieux d’Owens et de son collaborateur James Greenwood, ces chansons bénéficient d’une qualité sonore qui saura satisfaire les audiophiles les plus exigeants.